Actes sam ok

Salon de l'aménagement en montagne 2010
ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010
« Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » OUVERTURE DU COLLOQUE

Henri NAYROU, président de l'ANEM,
Claude BLANCHET, directeur interrégional Centre-Est, directeur régional Rhône-Alpes de la Caisse
des Dépôts, représentant Philippe BRAIDY, directeur du développement territorial et du réseau de la
Caisse des dépôts,
Pierre-Louis ROY, historien du transport ferroviaire et par câble en montagne,
ANIMATEUR

Olivier RAZEMON, journaliste
LE TRANSPORT PAR CABLE EN MONTAGNE

Le changement dans la continuité : le tram-train ter dans la vallée de Chamonix
Intervenant : Éric FOURNIER, maire de Chamonix-Mont-Blanc, président de la Communauté de
communes de la Vallée de Chamonix-Mont-Blanc
L'ascenseur valléen de Saint-Lary
Intervenant : Jean-Henri MIR, maire de Saint-Lary (Hautes-Pyrénées)
Les travaux de la Convention alpine
Intervenant : Thierry LOUIS, secrétaire général de la mission des Alpes et des Pyrénées - DGITM, au
ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de la Mer
Les solutions durables apportées par le groupe de la Caisse des Dépôts
Intervenants : Éric GUILPART, directeur interrégional adjoint pour la Direction Centre-Est de la
Caisse des Dépôts
Le transport au service des usagers en Isère et en Rhône-Alpes
Intervenants : Marc BAÏETTO, vice-président du conseil général de l'Isère, chargé des transports et
des déplacements ; Sophie CZEKAJEWSKI, directrice de Mobilité et Services, opérateur du conseil
général de l'Isère ; Bernard SOULAGE, vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes ;
Claude COMET, conseillère régionale en Rhône-Alpes, déléguée au tourisme et à la montagne ;
Corine BREYTON, chef du Service Développement et Marketing au sein de la Direction des
Transports, conseil général de l'Isère ; Gérard RUIZ, inspecteur général de l'Équipement.
LA MOBILITE DURABLE EN ITALIE ET EN SUISSE

L'intégration multimodale train-câble : le transport urbain du centre-ville à la montagne
Intervenant : Dominic BOSIO, responsable commercial de la société LEITNER
La politique d'accessibilité
Intervenants : Gilles DÉLÈZE, service des transports du canton du Valais.


CONCLUSION
Michel DESTOT, député-maire de Grenoble
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » OUVERTURE DU COLLOQUE

Henry NAYROU, président de l'ANEM
: Voici deux ans déjà, l'Association que j'ai
maintenant l'honneur de présider a organisé dans cette même salle un colloque intitulé « Le
tourisme en montagne, 365 jours par an ». Ce colloque arrivait en droite ligne d'une réflexion
menée par l'ANEM pendant plus d'une année sur le changement climatique, réflexion qui
allait aboutir à la présentation d'un rapport aux congressistes d'octobre 2007, dans les
Vosges, sur le thème « Au-delà du changement climatique, les défis de l'avenir en
montagne ». Nous partions d'un fait et nous allions vers une espérance. C'était un repère
dans le temps, et cela a été le diapason sur lequel les élus de la montagne se sont accordés
pour inscrire tout projet de développement, économique ou autre, dans une conception
durable.
Le président d'alors, Martial SADDIER, député de la Haute-Savoie, dont j'étais le Secrétaire général, avait impulsé cette orientation. Sans la venue du Président de la République ce matin à Chambéry pour le cent cinquantième anniversaire du rattachement de la Savoie à la France, Martial Saddier aurait été présent et serait intervenu au titre de Président de la Commission permanente du Conseil national de la montagne. Je tiens ici à rendre hommage, à défaut de sa présence, à sa prescience et à témoigner de la richesse accumulée en la matière, pur produit de l'intelligence collective, qui n'a pas fini de prospérer - je l'espère - dans les esprits et dans les faits (c'est joliment ciselé, et cela va s'en dire, mais cela va mieux en le disant). Dans les deux cas, un même partenaire nous a accompagnés dans ces deux démarches. Aujourd'hui encore, il est à nos côtés pour cette nouvelle édition du SAM. Je veux citer la Caisse des dépôts dont je remercie les responsables ici présents qui représentent Philippe BRAIDY, empêché in extremis, à savoir Claude BLANCHET et Éric GUILPART ainsi que leur directeur général, Augustin de ROMANET. Je tiens également à rendre hommage au Président du conseil de surveillance de la Caisse des Dépôts, Michel BOUVARD, député de la Savoie, ancien Président de notre Association en 1999-2000, qui a assisté hier à l'inauguration de ce salon. J'en profite pour saluer la présence du Préfet VIAN, le collaborateur direct du deuxième personnage de notre République, le président du Sénat, Gérard LARCHER que je salue. En effet, ce dernier a manifesté beaucoup d'intérêt, au-delà de notre Association, pour les territoires qui ont quelques spécificités au nom de la loi Montagne. Le partenariat avec la Caisse des Dépôts n'est pas dû au hasard, mais au fait que le développement durable est un de ses axes stratégiques. Sa politique dans le domaine spécifique du transport mérite une attention toute particulière des montagnards, car elle sait de quoi l'on parle. Pour continuer sur les remerciements, je tiens également à faire part de ma reconnaissance à Jean-Jack QUEYRANNE, président du Conseil régional Rhône-Alpes, représenté par Bernard SOULAGE, vice-président, et Claude COMET, conseillère régionale déléguée au tourisme et à la montagne, ainsi qu'André VALLINI, président du Conseil général de l'Isère (il est retenu à Paris pour les raisons que vous savez), pour leur soutien dans la préparation de notre colloque organisé avec le concours de l'Association des Élus européens de la Montagne, représentée par Nicolas ÉVRARD. Je remercie très amicalement de leur présence à venir Michel DESTOT, député-maire de Grenoble qui nous fera l'honneur de clôturer ce colloque et Marc BAÏETTO, récent successeur de Didier MIGAUD, ancien Président de l'ANEM avant Michel BOUVARD, à la présidence de la Communauté d'Agglomération Grenoble-Alpes-Métropole. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » De grands personnages de notre République actuelle ont présidé notre Association, dont Louis BESSON, Augustin BONREPAUX, Patrick OLLIER, Didier MIGAUD, Michel BOUVARD, François BROTTES dont je vous présente les excuses puisqu'il n'a pas pu être parmi nous aujourd'hui, et bien sûr, Martial SADDIER. Je reviens à mon propos initial, après quelques circonlocutions dont vous pardonnerez le caractère répétitif, pour souligner qu'il s'agit bien du même fil conducteur qui nous relie à la réflexion de 2007 pour évoquer la mobilité durable en montagne. L'appréhension de la réalité et le retour sur l'histoire nous amènent à constater que la mobilité durable est inscrite dans les gènes montagnards. Qui pourrait en douter ? En effet, les hommes ont pratiqué la mobilité durable de tout temps en montagne sans le savoir, comme M. JOURDAIN faisait de la prose. C'est ce que nous exposera en introduction l'historien du transport en montagne Pierre-Louis ROY, que je remercie également. Celui-ci nous expliquera notamment comment l'innovation, induite par la nécessité de l'adaptation, a pu parfois déclencher des réactions hostiles, voici un siècle, alors que le transport par câble est aujourd'hui considéré comme particulièrement vertueux en montagne (hormis pour les Grands Tétras) quand il s'agit de faire des remontées mécaniques, mais aussi en plaine où il a été souvent exporté avec bonheur. Pierre DAC disait, avec justesse d'ailleurs : « L'avenir n'était que du passé en préparation ». Les montagnards ont toujours été confrontés aux problèmes de l'enclavement, de l'accessibilité et des moyens de transport adaptés aux contraintes propres à leur milieu naturel : verticalité, conditions climatiques, espace restreint et contraint. Il en a découlé la nécessité de s'adapter et de trouver les moyens de transporter les voyageurs et les marchandises dans et hors des massifs montagneux afin de permettre aux populations permanentes et saisonnières, notamment touristiques, de se déplacer. À l'époque moderne, le câble (téléphérique, funiculaire et ascenseur) et le transport par rail sont apparus comme les solutions les plus satisfaisantes, même si le transport automobile reste encore trop privilégié aux yeux de beaucoup. À l'heure du changement climatique, du développement durable et de la croissance verte, il n'est plus question, aussi bien pour les élus que pour les opérateurs et les citoyens (habitants permanents et touristes) de ne pas tenir compte des nécessités de l'époque actuelle et plus encore, du futur. Les élus et les divers acteurs économiques de la montagne veulent valoriser leur savoir-faire accumulé au fil du temps ainsi que leur capacité d'innovation, la montagne restant un laboratoire pour l'ensemble des secteurs de la société, parce que nécessité fait loi. Il faudra que ceux qui ne viennent à la montagne que quelques jours par an et qui ont quelques responsabilités en soient parfaitement convaincus. Pour ceux-là, il y a encore du chemin à faire, mais vous pouvez faire confiance à l'ANEM pour enfoncer le clou à ce niveau. Je laisse le soin aux intervenants, à notre animateur, Olivier RAZEMON, mais aussi à vous tous ici présents, de mettre cela en relief (cela tombe sous le sens en montagne) à partir de votre connaissance et de votre expérience, et de faire valoir le rôle de l'ANEM pour défendre les positions de ces territoires et, surtout, pour les renforcer. Je vous remercie. Place à Olivier RAZEMON et aux participants de ce colloque. Les mots de conclusion indiqueront les tendances à suivre pour améliorer les transports en montagne. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON, Journaliste : Merci Monsieur NAYROU.
Monsieur BLANCHET, Directeur interrégional Centre-Est de la Caisse des Dépôts et
Consignations.

Claude BLANCHET, Directeur interrégional Centre-Est de la Caisse des Dépôts et
Consignations
: Bonjour à vous tous : Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs.
Je reprends les propos très aimables de Monsieur le Président : la Caisse des Dépôts
soutient et soutiendra l'ANEM.
Vous avez cité le nom des présidents prestigieux que vous avez eus dont Michel Bouvard, le
Président de la Commission de surveillance, qui a un œil très attentif de par ses fonctions à
la Caisse des Dépôts sur un territoire qu'il aime bien (je peux le prouver avec des exemples
concrets). La Savoie est effectivement importante et encore plus aujourd'hui, et nous parlons
très souvent de ce sujet avec Michel BOUVARD.
Une anecdote : Michel BOUVARD est un homme de la haute montagne, l'ANEM s'occupe de la haute et de la moyenne montagne (vous en êtes vous-même issu) et il s'avère que je suis moi-même de la moyenne montagne et – c'est une autre particularité et un trait d'union assez curieux dus au hasard de la vie – du même village que Vincent DESCŒUR. C'est assez extraordinaire et je m'attendais à le voir ici, mais j'aurai l'occasion de le revoir. Tout cela pour vous dire qu'il y a un engagement de la Caisse des Dépôts et il y a mon engagement personnel, et je suis très heureux d'être parmi vous. Augustin de ROMANET, le Directeur général de la Caisse des Dépôts, a déterminé quatre axes stratégiques pour la Caisse des Dépôts, dont un nous touche directement, à savoir : - le logement (secteur historique de la Caisse des Dépôts, mais problème crucial et enjeu très fort pour le pays et pour nos stations, dans lequel nous sommes directement impliqués), - l'université, - le développement économique (ce sujet me prend beaucoup de temps puisque je suis le Délégué du Fonds stratégique d'investissement ; lorsque des groupes nationaux ou multinationaux décident de quitter les vallées, ce qui peut éventuellement avoir des conséquences économiques graves dans certaines vallées, la Caisse des Dépôts intervient via le Fonds stratégique d'investissement afin d'aider les PME à avoir des fonds propres en vue d'essayer de trouver une solution dans la mesure où il en existe une), - le développement durable (axe transversal que l'on trouve dans tous les sujets qui Du point de vue de l'environnement, il faudrait diminuer les déplacements. Toutefois, d'un point de vue économique, il ne faut pas oublier que les échanges de personnes et de biens doivent être favorisés, car c'est la clé du développement économique et de l'emploi. Lorsqu'on aborde le thème de la mobilité durable, on est devant un compromis entre des impératifs totalement antagonistes. Une des missions de ce colloque sera de les mettre en avant et d'avancer des solutions concrètes. J'ai relevé trois chiffres assez révélateurs. Tout d'abord, chaque Français parcourt aujourd'hui 45 km/jour contre 5 en 1950. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Ensuite, 76 % des Français (85 % dans certains pays) habitent en zone urbaine, d'où un phénomène de concentration. Comme ils habitent de plus en plus dans les grandes villes, va se poser le problème de la mobilité pour venir à la montagne. Enfin, dans les agglomérations, et compte tenu du flux migratoire dans les stations, un tiers du déplacement est consacré à la recherche d'un stationnement. Face à cette problématique, la réflexion doit être menée sur le transport non seulement par rapport aux longues distances mais aussi aux moyennes distances au regard de la mobilité durable pour venir dans nos chères montagnes et dans les stations d'autant qu'il s'est passé un phénomène sociologique important dans vos activités avec l'arrivée d'une clientèle de plus en plus internationale, d'où un accroissement des distances et, par voie de conséquence, une augmentation du coût du transport (les sociétés de transport dont la société Transdev, filiale de la Caisse des Dépôts, réfléchissent à la manière de s'organiser par rapport à cela) mais aussi un changement des durées de séjour, ce qui a eu un impact sur le coût des forfaits, etc. Autre élément à mettre en avant : les réseaux urbains d'altitude. L'objectif est de faire vivre le plus de gens possible. De ce fait, le réseau urbain d'altitude ne doit pas être pensé exclusivement pour le skieur, mais aussi pour les sédentaires, car il y en a de plus en plus dans les stations et dans les villes de montagnes. La stratégie doit donc être axée sur le ski et sur les loisirs. Le transport par câble a un grand avenir en montagne pour permettre notamment d'accéder aux pistes de ski, mais ce n'est pas le seul moyen de liaison existant et chacun doit être choisi en fonction de son adéquation économique. Hier, j'ai discuté du problème du logement en France avec des bailleurs sociaux. Ces derniers ont mis en avant le fait que les mises aux normes relatives au développement durable entraînaient des coûts supplémentaires colossaux, ce qui risquait de générer une hausse des loyers pour équilibrer les opérations de remises en état ou de construction. Attention donc aux modèles économiques et aux différents éléments qui peuvent entraîner des modifications dans la clientèle que l'on vise. Il faut mener une réflexion sur ce qu'on appelle le modèle économique, car il est loin d'être établi. En effet, on peut le voir sous un angle purement économique ou purement financier, mais d'autres critères doivent entrer en ligne de compte, car ils peuvent avoir de graves conséquences. Soyons donc prudents dans ce domaine et essayons d'intégrer les réflexions sur le transport, le remaillage ferroviaire, les plateformes de covoiturage, sur la communication pour favoriser les modes de transport, sur les systèmes d'information (internet, etc.) à mettre en place pour optimiser le transport et les coûts, d'autant que votre clientèle devient internationale, sur la transformation des équipements de transport, sur la mobilité douce. Voilà les réflexions à mener dans nos stations, dans nos villages, de moyenne et haute montagnes. Quel que soit le scénario retenu, il ne sera désormais plus possible de restreindre un projet de construction aux seuls bâtiments (dans la réflexion « Développement durable », on parle beaucoup de bâtiments.), car l'accès à la mobilité propre est devenu, comme la performance énergétique, un critère de performance de l'aménagement. Il faut maintenant dépasser le problème de la construction en tant que telle. Votre thème et ses sous-thèmes vont aborder toute cette globalité. Je forme le vœu, comme vous, Président, qu'il en sorte des idées concrètes. Merci à vous tous et très bon colloque. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Henry NAYROU : Je remercie Monsieur BLANCHET. Je voudrais saluer l'arrivée de
Monsieur DESTOT, député-maire de Grenoble. Il sait ce que veut dire « mobilité douce », et
l'on s'en rend compte à Grenoble grâce au système de tramway absolument magnifique qui
permet de se déplacer partout dans la ville.
Merci Michel DESTOT d'être parmi nous. Nous aurons l'honneur de vous écouter pour
clôturer ce colloque.
Place maintenant au colloque et aux débats fructueux avec Olivier RAZEMON.

Olivier RAZEMON
: Merci.
Aujourd'hui, la mobilité douce concerne le câble, le fer. Pierre-Louis ROY, vous êtes
historien du transport ferroviaire et spécialiste des téléphériques. Depuis quand existent les
téléphériques ?

Pierre-Louis ROY, historien du transport ferroviaire et par câble en montagne
:
Certains historiens considèrent qu'il a 800 000 ans quand, être humain en devenir, on se
balançait de liane en liane. D'une certaine façon, Tarzan et Jane ont inventé le téléphérique.
Plus sérieusement, des traces concrètes remontent à 2 000 ans. Il a été inventé en Inde, en
Asie et au Japon. Par exemple, près de l'Himalaya et des chaînes himalayennes, il
permettait de faire passer les matériaux par-dessus les nombreuses gorges et rivières.

Olivier RAZEMON
: À quel moment les êtres humains ont-ils commencé à prendre ce
moyen de transport ?

Pierre-Louis ROY
: Cela a été la grande angoisse des ingénieurs. Il a fallu attendre cinq
cents ans pour passer du téléphérique de fret à celui pour les voyageurs, mais aussi cinq
cents ans pour passer de la corde au câble.
On retrouve à Pompéi des traces de câble en plomb, Leonard de VINCI donne une recette pour fabriquer des câbles, mais les premiers câbles seront construits par les Allemands pour installer des ascenseurs dans les mines en 1844, câbles de 1 km de long et de 4 cm d'épaisseur. Ces câbles vont permettre d'envisager des téléphériques de fret performants. Entre 1874 et 1905, l'Allemand Adolf BLEICHERT construit 2 000 téléphériques de fret dans
le monde (plus d'un par semaine) dont certains mesurent 35 km de long.

Olivier RAZEMON
: À la fin du XIXe siècle, on parle de funiculaire et de crémaillère.

Pierre-Louis ROY
: Il a fallu attendre cinquante ans pour que les ingénieurs vainquent leurs
angoisses. Cela a commencé avec la crémaillère, puis le funiculaire pour aboutir au
téléphérique.
La crémaillère est née en Suisse et aux États-Unis au même moment. Nicolas RIGGENBACH tente de déposer un brevet en Suisse, mais personne n'y croit. En 1863, il va donc à Paris où il dépose un brevet concernant un système de voie et de locomotive destiné au franchissement des montagnes. Il faudra attendre trente ans pour que la crémaillère dépasse le cap des 2 000 m, puis encore dix ans pour qu'il dépasse celui des 3 000 m. Très vite, on se rend compte que le système est lourd puisque la locomotive doit grimper la pente tout en portant son moteur, son carburant (le charbon), l'eau. Dans la course aux brevets et aux coûts, on passe au funiculaire, une grande trouvaille qui permet de diminuer les coûts par deux. Il monte droit dans la pente et il suffit de prendre l'eau au sommet des montagnes pour actionner par gravité les cabines reliées entre elles par un câble. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » On arrive ensuite au premier funiculaire suspendu en Allemagne, en 1901. Comme cela se trouve en zone urbaine, les rails sont accrochés à des pylônes, car cela coûte moins cher que d'inscrire la voie sur le sol. Il reste un dernier pas à franchir en remplaçant les rails suspendus par des câbles. Ce pas est franchi entre 1905 et 1909 avec l'explosion des techniques en Europe. Je vais citer trois laboratoires : - un laboratoire technique à Bozen dans le Sud-Tyrol (maintenant Bolzano dans le Haut- Adige) où près de six remontées sont construites de façon tout à fait innovante, dont un téléphérique qui sera une maquette grandeur nature du futur téléphérique de l'Aiguille du Midi au pied du Mont-Blanc ; - un laboratoire plus touristique en Suisse où l'ascenseur à câble est créé par Feldman en 1905 et où se mélangent la technique et son application sur des sites plus de hautes montagnes dans l'Oberland-Bernois ; - un laboratoire emblématique à Chamonix où, depuis 1835, des ingénieurs cherchent comment atteindre le sommet du Mont-Blanc et vont mettre en pratique ces brevets inventés en Europe par les Italiens, les Autrichiens, les Allemands, les Suisses et les Français.
Olivier RAZEMON
: À l'époque, les premiers téléphériques sont assez curieux. On en voit
parfois d'assez étranges sur des images, avec de longs câbles qui descendent de cette
manière, comme si on avait pendu du linge. Je me suis toujours dit que c'était probablement
dû à une erreur du dessinateur qui n'avait jamais vu de téléphérique alors qu'ils étaient
vraiment comme cela.
À quel moment et pourquoi a-t-on commencé à tendre les câbles ?

Pierre-Louis ROY
: Ils étaient comme cela, parce qu'on fabriquait des câbles très lourds du
fait que les ingénieurs avaient peur. Or, on s'est rendu compte que la tension n'était pas un
problème, mais que la flexion, c'est-à-dire la déformation du câble par le passage de la
cabine en était un.
Pendant la Première Guerre mondiale, l'Empire austro-hongrois et l'Italie s'affrontent et
nombre de téléphériques servent à monter les soldats. Un jour, un ingénieur autrichien, qui
pensait intuitivement que plus on tendait, moins cela cassait, ce qui est contre-intuitif, a reçu
un câble auquel il manquait 200 m de longueur. Le général a voulu renvoyer le câble à
l'usine, mais l'ingénieur l'a convaincu non seulement de ne pas le faire mais également de
supprimer des pylônes intermédiaires. On va alors sur-tendre le câble et se rendre compte,
en utilisant les soldats comme cobayes, que cela fonctionne en toute sécurité. C'est donc
une véritable révolution puisqu'après la Première Guerre mondiale, le nombre de pylônes
nécessaire pour le téléphérique va diminuer, ce qui entraînera une baisse des coûts.

Olivier RAZEMON
: On est ensuite dans la période actuelle du téléphérique avec ce que
l'on peut voir au SAM.
On s'aperçoit que ce moyen de transport va bien au-delà de l'anecdotique et du transport du
skieur, car il est militaire, urbain, industriel. En construisant ce type de transport, s'est-on dit
que cela respectait mieux la nature ou cela n'était-il pas la préoccupation du moment ?

Pierre-Louis ROY
: Pour être honnête, ce n'était pas la préoccupation héritée de la
Révolution industrielle et du XIXe siècle. La préoccupation était d'abord financière avec des
modèles économiques principalement en lien avec la finance et des ingénieurs en
compétition via les brevets.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Exactement comme dans n'importe quelle industrie.

Pierre-Louis ROY
: Tout à fait, avec cependant un souci d'intégration dans les sites et un
peu d'architecture (parfois plus qu'à une certaine époque), mais un accueil tranché des
habitants. C'est en effet la grande mutation d'une économie agricole à une économie
touristique. Il y a ceux qui vont résister un peu en voulant garder leurs terres et ceux qui vont
valoriser leurs terres et accueillir avec bonheur cette forme d'aménagement qui est
considérée - replaçons-nous dans le contexte de l'époque - comme durable, car cela a été
considéré comme étant un développement durable pendant un siècle, même si cela ne l'est
plus aujourd'hui.

Olivier RAZEMON
: Y a-t-il eu des mouvements, au début, contre le téléphérique ou parce
que cela allait tout détruire ?

Pierre-Louis ROY
: Non, au contraire. Il y a une grande pression des collectivités pour
s'équiper et, ce dès le début (la plus ancienne concession est née à Chamonix en 1905).
En revanche, des controverses vont jaillir au milieu du XXe siècle comme celle concernant : - le téléphérique de la Meije juste avant la Seconde Guerre mondiale où Samivel avait peint une aquarelle pour lutter contre ce projet ; - le projet de téléphérique au Cervin par l'ingénieur italien Dino Lora Totino, projet qui sera arrêté par la pétition signée par 71 000 personnes des deux côtés de la frontière, Zermatt et Breuil ; - la grande controverse du téléphérique de la Vallée Blanche avec une phrase agressive et féroce : « Télécabine considérée comme une faute de goût, car, pour faire partager la beauté de la montagne, on commence par la dégrader » ; - le projet de train à moteur magnétique (comme le Maglev en Chine) en 1970, qui arrivait à 4 700 m dans une grotte pressurisée sous le Mont-Blanc, projet qui a été arrêté à la dernière minute par le ministre de l'Environnement de l'époque.
Olivier RAZEMON
: Merci beaucoup, Monsieur ROY, pour ces précisions historiques et
cette histoire du téléphérique, y compris sur la perception du téléphérique.
Pierre-Louis ROY est également l'auteur des deux magnifiques photographies qui se trouvent sur le programme de ce colloque. (Applaudissements.)

Olivier RAZEMON
: Monsieur MIR, Monsieur FOURNIER et Monsieur GUILPART vont
maintenant me rejoindre.
Nous avons découpé cette matinée en trois séquences différentes. La première porte sur la question du câble et de l'accès naturel aux montagnes par le câble et le fer. La deuxième concerne la mobilité, les services qui y sont associés et la manière dont on utilise les moyens de transport durable. La troisième abordera la situation de la mobilité durable en Italie et en Suisse. Nous allons commencer par un élu pyrénéen, puisque nous sommes dans les Alpes. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » LE TRANSPORT PAR CABLE EN MONTAGNE

Olivier RAZEMON
: Monsieur MIR, vous êtes Maire de Saint-Lary-Soulan, dans les Hautes-
Pyrénées. Vous avez mis en place dans votre commune un ascenseur valléen.

Jean-Henri MIR, maire de Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées)
: Notre station de
montagne a pour caractéristique d'être un village (800 m d'altitude) relié par un téléphérique
à une station de ski (1 700 m d'altitude).
Le projet a répondu à plusieurs objectifs dont ceux du développement durable, à savoir : l'économie, l'environnement, le social. Le débit insuffisant du téléphérique en place (500 personnes/heure) et la route de 11 km
permettant de rejoindre les deux sites empruntée par les vingt navettes effectuant des
rotations journalières et par les voitures particulières ne satisfaisaient pas les attentes de la
clientèle.

Olivier RAZEMON
: Il fallait parfois deux heures pour accéder à la station de ski.

Jean-Henri MIR
: Effectivement, ce qui a occasionné beaucoup d'insatisfaction.
Cet ascenseur, plus exactement cette télécabine, a dont permis de monter jusqu'au site
d'altitude et d'en redescendre, de manière très rapide.

Olivier RAZEMON
: Ce n'est donc pas un ascenseur à proprement parler.

Jean-Henri MIR
: Le mot « ascenseur » a été politique au sens du terme, parce que la
volonté était de lier et non de séparer la vallée et la station. Ce mot était donc approprié pour
nos vallées pyrénéennes.
Cet ascenseur d'une capacité de 2 800 personnes par heure relie en 8 minutes le village à la
station de ski.

Olivier RAZEMON
: On attend beaucoup moins ? On peut redescendre le midi et remonter
l'après-midi ?

Jean-Henri MIR
: Cette installation a été ouverte le 17 décembre 2009. Elle nous a donné
entière satisfaction au cours de cette première saison d'exploitation puisqu'elle a répondu
aux objectifs majeurs et économiques en permettant à la station de retrouver une
fréquentation plus importante que celle qu'elle avait par le passé.
En ce qui concerne le plan environnemental et la mobilité, thème de ce colloque, cette
installation a permis de supprimer une grande partie du trafic routier, ce qui a eu un résultat
immédiat vis-à-vis de l'environnement. Saint-Lary, qui fait partie des stations ayant initié le
bilan carbone, est représentative par rapport à cela.

Olivier RAZEMON
: Cela a-t-il eu des effets sur la fréquentation de la station ? L'avez-vous
constaté dès cet hiver ?

Jean-Henri MIR
: Oui, d'une manière très directe. La station de Saint-Lary peut avoir, en
jours de pointe, 12 000 skieurs. Or, cette année, il y a eu jusqu'à 15 000 skieurs. Cela peut
poser d'autres problèmes, mais l'effet économique a été immédiat.
Pour la clientèle, il était important de pouvoir accéder au domaine skiable de manière aisée,
facile et le plus rapidement possible, ce qu'a permis cette installation.

Olivier RAZEMON
: Les gens sont venus à la journée alors qu'ils ne venaient plus par peur
d'attendre deux heures en bas du téléphérique ?
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Jean-Henri MIR : C'était aussi pour répondre à une clientèle de séjour (la station de Saint-
Lary compte 16 000 lits dans la vallée et 6 000 en altitude), donc il est indispensable de
pouvoir se déplacer le plus rapidement et le plus commodément possible.
Cela répond aussi à l'organisation des transports dans une station puisqu'en complément de
cet ascenseur, a été mis en place un service de navettes sur le village-vallée pour inciter les
skieurs à ne plus utiliser leurs voitures mais ces moyens de transport collectif.

Olivier RAZEMON
: Avec cet aspect important, comme vous l'avez évoqué, à savoir : plus
de gens dans la station.
Comme il n'y a pas de gare, les gens viennent en voiture à Saint-Lary. En termes de bilan
carbone, avez-vous étudié cette question ?

Jean-Henri MIR
: Dans le cadre de la charte relative au développement durable initiée par
les stations de montagne dans laquelle Saint-Lary s'inscrit depuis deux ans, autant il était
facile de répondre par des actions ponctuelles d'organisation de la mobilité au niveau de
notre territoire, notamment vis-à-vis des clients mais aussi des saisonniers, autant il était
plus difficile de s'attaquer aux moyens de transport pour accéder à notre station. En effet, les
Pyrénées n'ont pas la chance d'être desservis par des moyens de transport, notamment le
train, qui permettent à des clientèles d'accéder à notre station de manière fiable. Saint-Lary
est desservie par un service de cars, mais elle n'apparaît pas comme une destination SNCF
sur le site Internet alors que le car SNCF la dessert.
Les ruptures de charge existantes font que la voiture reste un moyen de transport privilégié,
mais nous avons travaillé sur les transports en commun, notamment les cars.
Nous avons également, à l'initiative du Conseil général des Hautes-Pyrénées, mis à
disposition des publics autochtones des transports collectifs avec des tarifs symboliques.
Ces initiatives sont loin de correspondre à ce qu'amènerait une organisation en lien avec le
TGV puisque le TGV de l'Atlantique arrive seulement à Bordeaux. Il arrivera peut-être à
Toulouse en 2016 ou 2018, ou peut-être jamais. Nous essayons donc de voir d'autres pistes.
Les Pyrénées ont toutefois la chance d'être desservis par des aéroports où l'on trouve des
compagnies « low cost ». Des navettes permettent ensuite aux clients d'accéder aux
stations.
C'est une réponse très partielle, mais je précise bien que l'effort le plus significatif et le plus
important a été fait au niveau de la structure.

Olivier RAZEMON
: La Commune pouvait faire cet effort et elle l'a fait.
La situation est différente dans la vallée de Chamonix puisqu'un train, le Mont-Blanc
Express, existe depuis 1907.
À qui sert ce train ? Pas seulement aux touristes.

Éric FOURNIER, maire de Chamonix-Mont-Blanc, président de la Communauté de
communes de la Vallée de Chamonix-Mont-Blanc
: Il sert effectivement à notre clientèle
touristique et aux habitants permanents. Il a d'ailleurs fait l'objet d'un très bel ouvrage que
Monsieur Roy a réalisé l'an dernier, et que je vous conseille vivement.
Ce train est pour nous une fabuleuse opportunité de concilier le tourisme de demain,
l'environnement et la qualité de vie. C'est pour cela que le thème de ce colloque, « Mobilité
durable », est significatif et que notre outil s'y inscrit bien en tant que symbole.
En effet, cette ligne à voie métrique entre Saint-Gervais-les-Bains et Vallorcine (elle se
poursuit sur la partie suisse jusqu'à Martigny) a été construite à la fin XIXe et au début du
XXe avec de belles gares.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Comme toute ligne de montagne, elle a fait l'objet de quelques investissements au fil du
temps, avec un petit défaut d'investissement au cours des cinquante dernières années.
En 1994, on disposait d'une queue de crédit du Ministère de l'Équipement, et le Ministre de
l'époque avait dit : « Faites un bout d'étude sur la manière de mieux sécuriser », puisqu'on
parlait surtout de sécurité à ce moment-là. On s'est alors demandé si, au-delà de la sécurité,
ce train ne pouvait pas être un super-outil pour réconcilier le tourisme et la vallée où il n'y
aurait plus ces problèmes de transport et de déplacement (nos problèmes de mobilité sont
comparables à ceux des vallées avec des sites touristiques qui ne sont pas exactement aux
mêmes endroits que les lieux de résidences), donc un lien entre l'écologie, l'environnement
et l'économie.
Du coup, le train s'inscrit dans la logique globale d'un plan de déplacement urbain (PDU) à
l'échelle d'une station et d'une communauté de communes, d'un plan « Climat » territorial
que l'on a mis en œuvre au titre d'une intercommunalité à l'échelle de la Communauté de
communes et d'un certain nombre d'engagements que nous avons pris. Par exemple, nous
avons signé, voici deux jours, la convention REVE d'avenir, un programme Interreg avec
vingt-six collectivités suisses et françaises où l'on a des engagements très précis pour
atteindre les 3x20 % que tout le monde connaît bien maintenant.

Olivier RAZEMON
: Pouvez-vous rappeler ce que sont les « 3x20 » ?

Éric FOURNIER
: On prend l'engagement de diminuer de 20 % la consommation d'énergie,
de diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et de couvrir 20 % des besoins en
énergie par des énergies renouvelables.

Olivier RAZEMON
: Tout cela pour 2020.

Éric FOURNIER
: Oui, avec des objectifs quantifiés.
Pour nous, le train est une manière d'y arriver dans un cadre d'intermodalité rail-remontée
mécanique.
Sur la commune de Vallorcine, la partie supérieure de la vallée, on sort du train et on accède
à la remontée mécanique pour rejoindre le domaine skiable.
Notre objectif n'est pas d'amener plus de monde, mais de faire en sorte que les gens qui se
trouvent dans la vallée aient de meilleures conditions de transport.
Comme vous l'avez souligné, il est très impressionnant de constater que notre clientèle a
rapidement pris l'habitude de prendre le train et que nos habitants ont repris l'habitude de le
faire ainsi que le montrent les enquêtes de fréquentation réalisées par la SNCF et le Conseil
régional.

Olivier RAZEMON
: Vous avez mis en place un système de cadencement et des travaux
sont prévus ou en cours.

Éric FOURNIER
: Absolument.
Je me dois, à ce stade, dire que cela se fait en partenariat, car les Collectivités locales ne
sont pas les autorités organisatrices.
En 1994-1995, la Région ne l'était pas, mais depuis, elle a pleinement assumé son rôle sur
ce secteur, que ce soit pendant la mandature où j'ai eu le plaisir d'être le vice-président ou
lors de la dernière au cours de laquelle Bernard Soulages a poursuivi l'effort entrepris sur
cette affaire, qu'il s'agisse des travaux de modernisation de matériel ou de l'augmentation de
cadencement.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » La première étape a porté sur l'augmentation du cadencement. En gros, on a saturé
l'infrastructure, et on ne peut plus mettre plus de train sur cette ligne maintenant.

Olivier RAZEMON
: Combien y en a-t-il maintenant ?

Éric FOURNIER
: Un cadencement à l'heure.

Olivier RAZEMON
: On peut en mettre plus ?

Éric FOURNIER
: Tout d'abord, avec la Région et la SNCF qui a fait des efforts
d'exploitation considérables sur cette ligne, on a augmenté le nombre de trains et on a
intégralement rénové le matériel. En doublant quasiment l'offre, cela nous a permis de
constater que la clientèle touristique et permanente répondait admirablement bien puisqu'on
a eu plus qu'un doublement, donc une élasticité supérieure à 1, de la clientèle. Cela signifie
que la clientèle en demande encore plus.
Ensuite, on essaie, avec l'ensemble des co-financeurs habituels, c'est-à-dire la région
Rhône-Alpes, RFF et, par le biais de mécanismes complexes, l'État, le Conseil général de la
Haute-Savoie, d'avoir un plan d'investissement d'une quarantaine de millions d'euros afin de
nous permettre, à un horizon rapide (dans les trois ou quatre prochaines années) de faire
passer un train toutes les demi-heures entre Vallorcine (le point haut de la vallée) et les
Houches (le point bas).

Olivier RAZEMON
: Combien de kilomètres cela représente-t-il ?

Éric FOURNIER
: Cela représente un tronçon d'une vingtaine de kilomètres (Les Houches
se trouvent à 8 km en aval de Chamonix et Vallorcine à une quinzaine de kilomètres en
amont).
Le système est de type périurbain avec un maximum de connexions (les responsabilités de
l'opérateur urbain sont importantes) avec les remontées mécaniques et notre système de
bus urbains en libre circulation (à ne pas confondre avec la gratuité).

Olivier RAZEMON
: En quoi consiste la libre circulation ?

Éric FOURNIER
: L'utilisateur doit être titulaire d'une carte, qu'il soit habitant permanent ou
qu'il ait une carte d'hôte (cette carte est délivrée en même temps que son titre de séjour quel
que soit son mode d'hébergement). Cette carte lui permet de prendre le train ou le bus sans
payer.
Comme il faut bien que quelqu'un paye, il y a deux systèmes.
Pour le bus urbain, la contribution, qui s'élève à 3,5 millions d'euros par an, est assurée par
les Collectivités locales, donc la Communauté de Communes que j'ai le plaisir de présider, et
les opérateurs de remontées mécaniques. En effet, on a estimé qu'il valait mieux avoir ce
système plutôt que de mettre en place un parking en pied de piste en risquant de
congestionner notre vallée avec des véhicules quarante jours par an et qui soit ensuite
complètement inutile.
Pour le système ferroviaire, l'effort est porté par la région Rhône-Alpes au titre de
l'augmentation de la desserte et par des Collectivités locales qui compensent une partie du
titre de transport. Cela représente 500 000 euros supplémentaires par an. La carte permet
ainsi aux habitants permanents et aux hôtes temporaires de prendre le train sans avoir à
acheter un ticket TER.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Merci, Monsieur Fournier.
Monsieur GUILPART, vous êtes Directeur interrégional adjoint pour la Direction Centre-Est.
La Caisse des Dépôts intervient à quatre titres différents en matière de mobilité durable, de
câble et de fer.

Éric GUILPART, directeur interrégional adjoint pour la Direction Centre-Est de la
Caisse des Dépôts
: En premier lieu, le Groupe Caisse des Dépôts intervient - c'est
d'ailleurs une des justifications de notre présence ici - sur toute la chaîne de la mobilité dans
les montagnes et dans les villes, par le biais de filiales en amont (notamment à travers sa
filiale EGIS d'ingénierie) et parfois directement, pour tout ce qui concerne la conception de
projets qui prennent en compte la mobilité avec des études de schémas régionaux de
transport, de schémas multimodaux train-TER-autocar, des études d'impact de gare, des
études économiques et sociales, des bilans socio-économiques, c'est-à-dire une planification
en amont, une réflexion sur ce que doit être la mobilité sur un territoire, ce territoire pouvant
être assez large au niveau de la région ou plus limité à une commune ou un site.
EGIS intervient également dans la maîtrise d'œuvre de transports en commun de sites
propres (je pense à Marseille, Lyon, Grenoble, où il y a des tramways). Il a donc une forte
capacité à concevoir très en amont les systèmes de transport. Dans le cadre de grands
événements, EGIS a d'ailleurs été amené à réfléchir sur le schéma de transport lors de la
candidature de Paris aux Jeux olympiques.

Olivier RAZEMON
: Avez-vous des exemples en montagne ?

Éric GUILPART
: Nous avons des exemples plutôt dans les vallées : les gares, les schémas
régionaux de transport en Savoie et en Haute-Savoie.
En deuxième lieu, la Caisse des Dépôts intervient dans le financement des infrastructures.
Elle est là dans son rôle de prêteur. Elle accorde donc des prêts à des Régions ou des
Communautés de Communes pour des infrastructures de transport public (le tramway de
Lyon et celui de Grenoble ont été financés en partie avec des prêts accordés par la Caisse
des Dépôts).
J'ajoute que la Caisse des Dépôts peut, le cas échéant, pour des infrastructures de transport
plus lourdes ou plus particulières, intervenir en tant qu'investisseur. Par exemple (on n'est
pas dans la mobilité douce), la Caisse des Dépôts est investisseur dans le Viaduc de Millau
et dans le tram-train qui va prochainement relier l'aéroport de Saint-Exupéry à Lyon.
En troisième lieu, la Caisse des Dépôts est investisseur et exploitant de réseaux de transport
par l'intermédiaire de sa filiale Transdev.
Transdev exploite vingt réseaux urbains d'altitude dont celui de Chamonix auquel il a été fait
allusion à l'instant avec ce système de navettes que l'on appelle les mulets.
Elle exploite également des lignes régulières départementales et régionales au départ des
aéroports vers les stations.
Elle exploite neuf gares routières en Savoie.
On a vu tout à l'heure le problème constitué par les ruptures de charge. Il est bien en effet
d'amener les clients en train, dont certains viennent parfois de très loin, mais 85 % des
clients de stations de sports d'hiver viennent encore en voiture actuellement. Cela vient du
fait que l'adéquation au coût est imbattable lorsque l'on est nombreux (quand vous êtes tout
seul, il ne faut pas venir en voiture ; lorsque vous êtes deux, cela peut se discuter ; quand
vous êtes au moins trois, il faut venir en voiture).

Olivier RAZEMON
: Là, vous mettez de côté le stress, la fatigue, etc.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Éric GUILPART : Voilà, encore qu'en matière de rupture de charge, il est tout à fait
regrettable qu'il n'y ait pas de navettes routières assurant la correspondance avec les trains
dans certaines gares pendant toute la saison.
Transdev exploite ces gares routières avec un système extrêmement astucieux, Altibus, qui
permet, à partir de chez soi, de réserver son ticket de bus, ce qui évite de faire l'assaut du
guichet en arrivant à la gare routière pour aller dans les stations.
Cela représente plus de 830 collaborateurs au service du développement.
En quatrième lieu, la Caisse des Dépôts intervient dans l'exploitation des domaines skiables
via la Compagnie des Alpes et un réseau de sociétés d'économie mixte dans la
problématique du transport par câble qui nous réunit ici.
Il est à noter que le transport par câble comporte énormément d'avantages dans certaines
conditions. C'est notamment, comme cela a été dit, le meilleur moyen de transporter des
clients en cas de dénivelé. Dans le cas où une infrastructure routière existe, il convient de
trouver un modèle économique adéquat puisque celle-ci est en concurrence avec ce type de
transport. En revanche, s'il n'existe pas d'infrastructure routière, le modèle de transport par
câble est important d'autant qu'il autorise des débits horaires (jusqu'à 4 000 personnes par
heure) qu'on ne retrouve avec d'autres moyens de transport.
Ces transports par câble utilisés dans les stations commencent à l'être de plus en plus en
milieu urbain dès lors qu'il y a du dénivelé. En Colombie par exemple, la ville de Medellín
s'est demandé comment faire pour relier le plateau au centre-ville et le transport par câble
est apparu comme étant le plus économique, le plus facile d'entretien et celui qui offrait le
plus gros débit, ce qui était extrêmement important.

Olivier RAZEMON
: Cela a aussi permis - on s'éloigne de la montagne alpine - de
désenclaver un bidonville, ce qui n'était pas négligeable.

Éric GUILPART
: On a parlé tout à l'heure de survol. Le transport par câble est une solution
qui doit être favorisée, quand on le peut, pour le transport d'une vallée à un site. Saint-Lary
en est un exemple, mais on en a d'autres qui sont également exploités par la Caisse des
Dépôts où l'on est vraiment sur des problématiques de transport important de clients pour
résoudre des problèmes de flux comme entre Bourg-Saint-Maurice et Les Arcs, entre Brides-
les-Bains et Méribel ou entre Morzine et Avoriaz.

Olivier RAZEMON
: Qui doit payer cela ?

Éric GUILPART
: C'est la question, car, dès qu'on la pose, chacun se regarde et cela
n'aboutit souvent pas. Comme Claude Blanchet l'a évoqué, le modèle économique est une
des clés, mais les projets « Développement durable » doivent prendre en compte les
facteurs autres que le facteur économique.
Si on est dans un cadre de développement comme c'est encore le cas aujourd'hui - c'est
pour cela que le développement permet de prendre en compte ces données économiques -
on peut avoir des transports par câble à condition que quelqu'un paye.
Je vais vous citer un exemple extrêmement frappant.
Il y a quelques années, le Groupe Compagnie des Alpes a confié à un promoteur canadien
la construction d'un nouveau village aux Arcs, Arcs 1950 (ce village est à quelques dizaines
de mètres en aval d'Arcs 2000). La principale exigence de ce promoteur canadien a été
d'intégrer, dans le plan de remontée mécanique de la Société d'aménagement et de
remontées mécaniques, un « cabriolet » (télécabine), c'est-à-dire une liaison permettant aux
clients d'Arcs 1950 d'aller à Arcs 2000 et inversement.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Cet engin urbain, qui n'est absolument pas utilisé par les skieurs, a permis de donner de
l'intérêt à la promotion immobilière en étant, en quelque sorte, payé par la charge foncière de
la zone de développement reliée au domaine skiable.
Je pense que le schéma de transport, en particulier celui de transport par câble, doit être
intégré dès le départ dans l'équation économique quand des projets de développement
comportent de nouvelles capacités d'hébergement.
Lorsque des appareils doivent être remplacés, il faut voir comment justifier ces
remplacements, car les montants d'investissement sont considérables (on raisonne en
dizaines de millions d'euros la plupart du temps).
Ceux-ci peuvent être financés par des financements publics, surtout lorsque l'utilisation de
l'appareil n'est pas exclusivement réservée au domaine skiable. Dans ce cas, il y a un
partage - l'on revient à ce que l'on a dit tout à l'heure - entre la puissance publique qui
supporte le coût et le client qui doit pouvoir également payer un juste prix. On est presque à
la frontière entre ce qui fait un client et ce qui fait un usager.

Olivier RAZEMON
: Pouvez-vous dire la différence entre les deux ? Avez-vous une
définition précise ?

Éric GUILPART
: Pour moi, un client est une personne qui paye le vrai prix de son transport
et un usager est quelqu'un qui utilise un appareil de transport dont le coût est en partie
supporté par quelqu'un d'autre. Ces définitions sont tout à fait personnelles, mais c'est ce
que j'ai trouvé de mieux. Vous êtes un usager quand vous ne payez pas complètement le
prix et vous êtes un client quand vous le payez complètement.

Olivier RAZEMON
: On est donc presque tout le temps un usager.

Éric GUILPART
: Non. Dans un domaine skiable, vous êtes un client quand vous utilisez les
remontées mécaniques.

Olivier RAZEMON
: Je voudrais revenir à l'exemple d'Arcs 1950. Vous parlez en fait de
densification de la station. Qui dit transport et éventuellement limitation des temps de
transport, dit densification du lieu, comme cela s'est passé aux Arcs.

Éric GUILPART
: C'est ce qui s'est passé aux Arcs effectivement.
En montagne comme en ville, le foncier est rare et cher. Par conséquent, quand vous êtes
dans des problématiques de développement ou d'intensification de la fréquentation, plutôt
que d'étaler les constructions sur une grande superficie, ce qui finit par poser des problèmes
de mobilité (quand des villages sont éparpillés sur des kilomètres, il faut les relier, mais les
systèmes de navette ne sont pas toujours confortables et il y a des problèmes d'horaire et de
prise en charge), une solution peut être de concentrer les clients sur des zones de manière à
ce qu'ils aient le moins possible à bouger une fois qu'ils sont en station, et qu'ils trouvent à
proximité les services dont ils ont besoin de façon à y aller à pied.
On utilise aussi des transports par câble dans des stations étendues comme navettes intra-
station. Là, vous avez les ascenseurs inclinés ou les appareils que l'on trouve à la Plagne,
aux Ménuires ou autres qui permettent de remplir une fonction de transport public assez peu
gourmande en espace public, mais gourmande en investissement au départ.

Olivier RAZEMON
: Cela concerne aussi les personnes qui fréquentent la station, mais qui
ne sont pas clientes, c'est-à-dire les salariés.
Monsieur Mir, à Saint-Lary, l'ascenseur concerne-t-il aussi les salariés et les saisonniers ?
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Jean-Henri MIR : Le problème des saisonniers est traité à deux niveaux.
La première chose consiste à leur donner des logements sur place, ce qui a été le cas à
Saint-Lary où deux opérations de logement de saisonniers ont été réalisées sur le site
d'altitude et sur le site en vallée.
En ce qui concerne les saisonniers en vallée, se pose le problème des opérations qui
peuvent être mises en place (je pense notamment au covoiturage) et des organisations
collectives (dans nos vallées, le transport ne peut se faire que par car).
Au niveau de la station, entre le village et le site d'altitude, le téléphérique, une des deux
remontées qui lient la vallée et la station, fonctionne toute l'année et à des horaires qui
permettent à la clientèle de faire le va-et-vient et au personnel saisonnier de fréquenter, à
des conditions particulières, cette navette.

Olivier RAZEMON
: L'ancien téléphérique, qui servait de transport principal, sert maintenant
essentiellement de transport pour les salariés et les clients.
Sur ce thème du transport par câble en montagne, avez-vous des questions ?

Pierre JAUSSAUD, président de l'Association Le Chaînon Manquant
: Cette association
essaie de sensibiliser les élus à l'intérêt du transport par câble, y compris en milieu urbain.
J'ai deux commentaires à faire sur ce qui a été dit, parce qu'il y a des erreurs.
Mon premier commentaire porte sur l'intérêt du câble pour les systèmes uniquement en côte.
Cela n'est pas vrai, car les avantages du câble sont exactement les mêmes en terrain plat
qu'en terrain incliné. En montagne, l'écart avec les autres modes de transport se creuse du
fait que l'on va tout droit et que l'on passe les obstacles sans aucune difficulté, mais on a
exactement les mêmes avantages sur un terrain plat.
Le deuxième concerne ce que j'ai entendu tout à l'heure et qui me hérisse chaque fois à
propos du coût d'exploitation.
On dit toujours que l'exploitation des transports par câble coûte cher. Or, c'est faux.
Quand on fait des calculs, il faut savoir de quoi l'on parle (je peux justifier toutes les
informations en ma possession ; elles sont issues de chiffres du SMTC à Grenoble ou de
sociétés d'exploitation de transport par câble en montagne avec lesquelles j'ai travaillé) et on
doit comparer des choses comparables. On va donc partir de la capacité d'une rame de tram
qui est de 300 personnes.
Pour transporter 300 personnes en voiture sur un kilomètre, cela coûte 45 euros.
Pour transporter 300 personnes en bus sur un kilomètre, cela coûte 16 euros.
Pour transporter 300 personnes en tram sur un kilomètre, cela coûte 7 euros (chiffre du
SMTC).
Pour transporter 300 personnes en transport par câble, cela coûte entre 1,5 et 3 euros.
Qu'on ne vienne donc plus me dire que le transport par câble coûte plus cher que tous les
autres modes. C'est faux.

Olivier RAZEMON
: Personne ne voulait dire cela, mais merci pour ce plaidoyer.
Y a-t-il d'autres réactions ou d'autres questions ? (Il n'y en a pas.)
Monsieur Fournier, une réaction concernant le modèle économique avant que vous ne
partiez ?

Éric FOURNIER
: En ce qui concerne le modèle économique, le transport et le
développement de solutions de transport, qu'il s'agisse du financement de l'infrastructure ou
du financement des services si on veut les mettre à un coût modéré (j'ai compris votre
distinction entre l'usager et le client) ou en libre circulation, sont effectivement chers. On n'a
pas une solution type applicable à tous les sites, parce que les acteurs peuvent être
différents selon les stations.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » En revanche, on a souvent les bons ingrédients entre les autorités locales, les opérateurs
privés, les différents niveaux de collectivités, pour trouver des modes de financements.
Je voudrais surtout insister sur le fait que cette mobilité et la recherche de ces systèmes de
mobilité sont souvent différentes selon les vallées et les sites (certaines ont la chance d'être
desservies par le transport ferroviaire, d'autres ont une intermodalité avec les remontées
mécaniques, donc il y a autant de solutions que de sites et de vallées) et que les réflexions
des élus de montagne ou des opérateurs (dont bon nombre sont dans la salle) doivent
conduire à faire des propositions par rapport à cela. En effet, la recomposition, la
restructuration, de notre tissu touristique sont essentiellement liées aux efforts que l'on fera
en termes de qualité sur ce terrain. Par rapport à cela, la mobilité est donc un élément
déterminant.
Vous avez cité, et vous avez eu raison, la mobilité pour l'accès au site. Il ne faut toutefois
pas oublier que la plupart des problèmes sont également liés à la mobilité intra-station.
L'analyse de notre plan de déplacement urbain a montré que 80 % des déplacements
effectués à Chamonix étaient liés aux déplacements internes à la vallée, qu'il s'agisse du
pendulaire…

Olivier RAZEMON
: C'est plus net à Chamonix qu'à Val-Thorens.

Éric FOUNIER
: Oui, mais c'est la même chose dans d'autres stations.
Cela relève de notre responsabilité aussi. Je parle en tant qu'élu local. Les élus nationaux
prendront leur responsabilité sur les thèmes qui les concernent, mais je crois que les élus
locaux ont une responsabilité par rapport à cela. L'ingénierie financière doit ensuite se mettre
en place, et les propositions que vous pourrez nous faire sont importantes, mais c'est
vraiment notre devoir d'axer le développement de nos stations sur des solutions
intermodales et de transports collectifs.

Olivier RAZEMON
: Merci beaucoup.
Vous avez apporté une parfaite transition avec le débat suivant sur la mobilité et les services
associés en montagne, en particulier avec l'exemple de Rhône-Alpes.
Je vous remercie tous les trois de votre contribution.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » LA MOBILITE ET LES SERVICES ASSOCIES EN MONTAGNE

Olivier RAZEMON
: Nous accueillons maintenant Madame CZEKAJEWSKI, Madame
BREYTON, Madame COMET, Monsieur SOULAGE, Monsieur LOUIS, Monsieur BAÏETTO.
Une étude de l'ADEME et de Ski France de janvier 2010 montre que 57 % des émissions de
CO2 des stations de sports d'hiver résultent du transport de personnes, qu'il s'agisse de
touristes ou de salariés.
Monsieur LOUIS, vous êtes le Secrétaire général de la Mission des Alpes. Vous représentez
ici la Convention alpine. Vous travaillez également au Ministère du Développement durable.
Pouvez-vous nous dire ce que concerne la Convention alpine ?

Thierry LOUIS, Secrétaire général de la Mission des Alpes et des Pyrénées
: Je vais
remettre les choses dans l'ordre.
La Mission des Alpes et des Pyrénées est une instance du Ministère de l'Écologie, de
l'Énergie, du Développement durable et de la Mer et, plus précisément de la Direction
générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer au sein du Ministère. Dans ce
cadre, je suis Secrétaire général d'un certain nombre de missions intergouvernementales,
comme Lyon-Turin.
La Convention alpine est une instance internationale qui réunit les différents pays de l'arc
alpin sous l'égide des ministres de l'Environnement de ces pays. Cette Convention est
extrêmement vaste et couvre de très nombreux sujets que la plupart d'entre vous
connaissent, dont celui des transports.
Il existe un groupe « Transports » présidé par la France et dont j'assure la présidence.
Voilà pour remettre un peu d'ordre par rapport à ces différentes entités.

Olivier RAZEMON
: La Convention alpine regroupe huit pays ?

Thierry LOUIS
: Tout à fait. Tous les pays de l'arc alpin, y compris Monaco et le
Liechtenstein.

Olivier RAZEMON
: Vous avez travaillé sur les transports. Quelles sont les conclusions que
vous tirez en matière de transport et, notamment, en matière d'accès aux transports,
d'utilisation effective des moyens de transport durable ?

Thierry LOUIS
: Dans le cadre du groupe « Transports » de la Convention alpine, des
travaux ont été menés, dans un premier temps, sur la mobilité des marchandises puis, de
2007 à 2009, sur la mobilité des personnes.
Tout ce que j'ai entendu au cours de la première table ronde rejoint complètement les
conclusions des travaux qui ont été menés, avec la mise en évidence de certaines difficultés
pour aller dans le sens du développement durable ainsi que d'initiatives tout à fait
remarquables.
Un guide des bonnes pratiques non exhaustif a été élaboré. Il recense les pratiques tout à
fait intéressantes dans les pays de l'arc alpin. Les exemples que l'on vient de voir auraient
d'ailleurs mérité d'y figurer.

Olivier RAZEMON
: Pouvez-vous en citer quelques-uns ?

Thierry LOUIS
: Par exemple, figurent dans ce recensement le système Altibus, le système
d'autopartage à Grenoble, le système mis en place par des organismes comme l'UCPA pour
assurer un transport de centre urbain dans les stations en utilisant des cars, ce qui permet
de « massifier » les transports.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Nous n'avons que des exemples alpins puisque ce travail a été mené par la Convention
alpine.

Olivier RAZEMON
: Avez-vous des exemples dans d'autres pays ?

Thierry LOUIS
: Il y a effectivement de nombreux exemples dans les pays de l'arc alpin. Je
vais en prendre un ou deux dans les Pyrénées. Ce sont plutôt des exemples de mon
expérience passée en tant qu'ancien responsable de l'Équipement dans les Hautes-
Pyrénées.
La mise en place du téléphérique du Pic du Midi est un exemple intéressant. On accédait
avant quasiment jusqu'en haut en voiture.
Ce qui a été fait au niveau du Pont d'Espagne ou des choses comme cela, sont des choses
également intéressantes dans le sens du développement durable.
Si vous voulez avoir plus d'informations sur ces bonnes pratiques et sur ces exemples, je
vous invite à vous connecter sur le site de la Convention alpine. Vous y trouverez l'intégralité
des dossiers et des documents.

Olivier RAZEMON
: Pouvez-vous donner deux exemples de choses qui fonctionnent très
bien ailleurs ?

Thierry LOUIS
: Je vais faire rougir l'intervenant suisse qui va venir tout à l'heure.
En France, 85 % des déplacements sont effectués dans des véhicules particuliers pour
accéder aux stations de sport d'hiver contre moins de 70 % en Suisse. Cela provient du
mode de coordination des modes de transport, du cadencement généralisé, de la prise en
compte de la multimodalité par l'ensemble des acteurs et du régime de tarification qui permet
d'avoir des éléments très simples.
Avant de venir ici, je me suis amusé à faire un exercice que j'invite chacun à faire. À partir
d'une ville de départ, j'ai essayé de voir les informations dont je pouvais disposer sur les
sites Internet pour aller à Prapoutel-les 7 Laux, à Saint-Lary, à Splügen en Suisse et à Isghgl
en Autriche. J'ai obtenu toutes les informations (horaires, correspondances, tarifs, etc.)
seulement dans deux cas que je ne citerai pas.

Olivier RAZEMON
: Ne dites pas lesquels alors.
Quels sont les obstacles ? Pourquoi est-ce compliqué ? Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas
toujours ?

Thierry LOUIS
: Les obstacles viennent de la nécessité de coordonner un nombre d'acteurs
relativement important, comme cela a été dit par les intervenants précédents (les autorités
organisatrices, les collectivités à différents niveaux, les opérateurs qui sont éventuellement
en situation de concurrence). Ce n'est donc pas forcément toujours très simple. Pour faire
fonctionner tout cela ensemble, il faut une vraie volonté et sur la durée.
J'ai vraiment le sentiment, notamment en France, que beaucoup de choses se font et
l'exemple de Chamonix est extrêmement instructif (quand j'étais à Chamonix, il y a très
longtemps, il ne me semble pas que cela fonctionnait si bien que cela), mais il reste
énormément de travail à faire.
En plus, il y a bien évidemment le problème du financement (nous aurons tout à l'heure des
réponses sur ce sujet). C'est compliqué. Entre le client, l'usager, les collectivités, qui doit
payer ?
Les deux problèmes-clés sont là.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Je vous remercie.
Monsieur BAÏETTO va parler de cette prise de conscience et de cette politique, car, si j'ai
bien compris, il faut une volonté politique durable pour mettre en place les centrales de
mobilité.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons de la mise en place d'une politique de mobilité
pensée à l'échelle du département par le Conseil général et comment cela se met-il en
place ?

Marc BAÏETTO, vice-président du Conseil général de l'Isère, chargé des transports et
des déplacements
: La question des mobilités est une des questions fondamentales pour la
gestion d'un espace, qu'il soit urbain ou non urbain. Les Collectivités interviennent en effet
rarement pour essayer de penser l'organisation de cela, car, autant cela semble aller de soi
en milieu urbain, autant cela ne l'est pas en milieu non urbain. Dès que l'on quitte la ville, on
considère que la Collectivité n'a pas à intervenir dans la gestion du transport. On laisse un
peu les opérateurs faire, en dehors des strictes obligations légales de transport scolaire et
autres.
Nous avons donc voulu aborder la problématique des déplacements en milieu non urbain
comme nous l'abordons en milieu urbain, d'où la nécessité de penser par rapport au réseau
départemental et à la qualité de service de la même façon que l'on essaie de le faire en
milieu urbain.

Olivier RAZEMON
: Comment cela fonctionne-t-il ? Comment cela se met-il en place ?

Marc BAÏETTO
: J'espère que cela fonctionne bien.

Olivier RAZEMON
: J'ai compris qu'il fallait une volonté durable. Un mandat ne suffit donc
pas. Cela se fait sur plusieurs années, donc plusieurs élus se succèdent.

Marc BAÏETTO
: Cela demande une volonté politique forte, car cela se traduit par des
budgets qui sont rarement minces.
En Isère, la politique mise en place s'est traduite par un doublement du budget
« Transports » du Conseil général (il est passé de 65 millions à 150 millions d'euros par an),
ce qui n'est pas un choix politique mince. En gros, la nouvelle base fiscale a été consacrée
aux politiques de déplacement, pour vous donner un ordre de grandeur. On ne fait pas ce
choix en passant. La volonté politique est bien de dire que l'on fait du déplacement un choix
prioritaire du Département.
En valeur absolue, puisque notre budget est découpé, c'est le budget le plus important.
Nous avons été le premier Département à mettre plus sur le transport public que sur les
routes.

Olivier RAZEMON
: Est-ce seulement une question d'argent ou avant tout une question
d'argent ?

Marc BAÏETTO
: C'est d'abord une question de volonté : vouloir faire les choses.
Ensuite, c'est se donner les moyens de les mener à bien.
La volonté politique prévaut en premier lieu, mais il faut après obtenir des Assemblées
qu'elles votent les budgets pour que cette volonté politique ne reste pas lettre morte.
Je ne crois pas un instant à quelque chose qui resterait de l'ordre du déclaratif.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Vous avez mis en place en Isère ce que l'on appelle la centrale de
mobilité « Mobilité et Services ».
Madame CZEKAJEWSKI, vous êtes Directrice de Mobilité et Services. Pouvez-vous nous
expliquer ce qu'est cette centrale de mobilité ?

Sophie CZEKAJEWSKI, directrice de Mobilité et Services, opérateur du Conseil
général de l'Isère
: Mobilité et Services est une centrale de mobilité. Cette centrale est
chargée de gérer, pour le compte du Département, les services associés au transport, à
savoir :
- la gestion de la relation clients : c'est donc une centrale d'appels avec un numéro unique fonctionnant six jours sur sept ; - le service après-vente ; - la gestion des recettes et la billetterie du Département.
Olivier RAZEMON
: Il y a un site Internet.

Sophie CZEKAJEWSKI
: En effet, au niveau de la gestion de la relation clients, on a la
Centrale d'appels et on a mis en place les sites Internet « www.transisere.fr » et
« www.intinisere.fr » afin de faciliter les trajets.
Pour revenir sur la gestion des recettes et la billetterie, cela a concerné 8,3 millions d'euros
de recettes pour l'année scolaire 2008-2009.
Nous avons également en charge :
- l'animation du réseau de vente (au niveau du département de l'Isère, il y a 70 relais-vente, 13 organismes et associations) ; - la gestion et l'exploitation de deux établissements dont la gare routière de Grenoble et l'Agence du Square, une agence multimodale sise en centre-ville de Grenoble.
La Centrale de Mobilité est associée à différents projets. Cette année, l'un des gros projets
concerne la mise en place de la billettique départementale.

Olivier RAZEMON
: Est-ce compliqué à mettre en place ce type de centrale ? Cela a l'air
simple du point de vue de l'usager (si on reprend la définition de M. Guilpart), mais on se
demande pourquoi cela ne coïncide pas toujours, pourquoi l'on n'arrive pas toujours à
trouver l'information.

Corine BREYTON, chef du Service Développement et Marketing au sein de la Direction
des Transports, Conseil général de l'Isère
: On doit effectuer un travail en amont pour
organiser les horaires des cars par rapport aux horaires des trains notamment. Toutefois, sur
les grosses stations comme les Deux-Alpes ou l'Alpes d'Huez, on a tellement d'offres de car
qu'il faut mener un travail en temps réel (en fonction des réservations TGV, on adapte
quasiment en temps réel les horaires le samedi). Là, Mobilité et Services et les transporteurs
ont un gros rôle à jouer.

Olivier RAZEMON
: Pour les samedis d'hiver, la SNCF vous prévient.

Corine BREYTON
: Elle nous informe le mardi soir du nombre de réservations.

Olivier RAZEMON
: Elle dit donc : « Il y a tant de personnes dans les trains » et vous
adaptez le nombre de cars.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Corine BREYTON : Voilà. C'est pour cela que l'on développe la réservation et que l'on se
sert du site Altibus auquel on a accès à partir du site « www.transisere.fr » pour prévoir au
maximum les moyens à mettre en œuvre.
Tout n'est cependant pas prévisible et on arrive parfois à une limite des moyens du fait qu'on
ne trouve quelquefois pas assez de conducteurs pour faire tourner les lignes. C'est ce qui
nous arrive aujourd'hui, parce que nous sommes en quelque sorte victimes du succès du fait
que la tarification iséroise est assez attractive. Certains samedis, les moyens sont saturés.
On a également des engorgements routiers, en particulier à l'Oisans. On aimerait donc bien
que se développent les locations du dimanche au dimanche, car cela permettrait de limiter
les engorgements routiers et cela améliorerait l'attractivité des stations.

Olivier RAZEMON
: Vous avez avancé plein d'idées.
La location du dimanche au dimanche signifie que les gens arrivent le dimanche, ce qui
limite la congestion sur les routes.
Cela existe-t-il ailleurs ?

Corine BREYTON
: En Savoie, les Trois Vallées ont monté une association et ils ont réussi
à avoir 20 % de réservations du dimanche au dimanche. Ils ambitionnent maintenant
d'arriver à 30 %.

Olivier RAZEMON
: Concernant le nombre de bus et le nombre de conducteurs, ce n'est
pas forcément évident, puisqu'il y a les heures de repos. Peut-on recruter ?
J'insiste sur ces petites choses, car cela fait que c'est parfois compliqué.

Corine BREYTON
: La législation du travail impose une amplitude maximale vis-à-vis du
conducteur. En Isère, des conducteurs saisonniers viennent du Nord de la France pendant la
période hivernale puisque c'est un pic d'activité important.
Par rapport à la difficulté entre plusieurs autorités organisatrices, le site « www.itinisere.fr »
dont Sophie a parlé tout à l'heure a été créé par le Conseil général de façon à être multi-
autorité organisatrice puisque vous trouvez sur ce site tous les transports isérois ainsi que
les horaires de train (le rêve serait, à partir de l'arrivée à la gare de Grenoble, de dire à
quelle heure l'on peut avoir un car pour repartir en station). Ce site permet d'avoir, sur un
seul outil, tous les transports du département de l'Isère.

Olivier RAZEMON
: Arrivez-vous à coordonner ce site avec celui de la SNCF, par
exemple ? En se connectant à « www.voyages-sncf.com », le premier site de réservation
des transports en France, arrive-t-on à trouver les horaires de car en Isère ?

Corine BREYTON
: La coordination marche pour l'instant dans l'autre sens puisque l'on
récupère les horaires de la SNCF pour alimenter notre site Internet, mais cela ne fonctionne
pas encore dans l'autre sens.

Olivier RAZEMON
: La SNCF publie ses horaires en décembre alors que vous mettez les
vôtres en place en septembre. Comment faites-vous alors ?

Corine BREYTON
: On arrive à avoir les horaires à l'avance, ce qui nous permet d'éditer
des horaires dits « neige » qui sortent aussi en décembre. On a donc une offre très
particulière adaptée aux horaires SNCF pour les douze stations de l'Isère, offre qui sort aussi
en décembre.

Olivier RAZEMON
: Pouvez-vous me dire si on constate un report modal ? Les gens qui
prenaient leur voiture auparavant utilisent-ils maintenant les cars ou les trains ?
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Corine BREYTON : Nous n'avons pas encore d'enquêtes complètes, mais, par exemple, sur
Chamrousse et les Deux-Alpes, sur certains samedis très forts d'hiver, un tiers des forfaits
sont des forfaits « ski-ligne », c'est-à-dire des forfaits combinés qui permettent de bénéficier
d'un prix réduit si l'on achète en même temps un forfait ski et un ticket de transport routier.
Cela ne veut toutefois pas dire que la part de marché est de 30 %, car cela nécessiterait de
mener une enquête plus large.

Olivier RAZEMON
: Le « ski-ligne » est à partir d'où ?

Corine BREYTON
: Au départ de Grenoble.

Olivier RAZEMON
: Quel type de population l'utilise ?

Corine BREYTON
: Le « ski-ligne » est un tarif plus adapté aux Isérois et aux étudiants en
particulier.

Olivier RAZEMON
: Existe-t-il une coordination avec les transports régionaux par train, les
TER ? Cela peut-il se faire ? Comment cela se passe-t-il pour aller de Lyon à Grenoble puis
de Grenoble à Chamrousse ?

Corine BREYTON
: Actuellement, concernant la desserte hivernale et, en particulier, lors
des gros samedis d'hiver, pour les stations importantes, l'offre est à l'heure, car l'on
considère que trois quarts d'heure à une heure d'attente en gare routière est le délai
maximum raisonnable d'attente. De ce fait, on n'a plus d'adaptation avec les horaires de
train sur ces stations.
Pour les stations où il y a moins d'offres, on essaie de caler les horaires de car sur ceux des
trains, mais on n'arrive pas toujours à desservir tous les trains.

Olivier RAZEMON
: Monsieur SOULAGE, vice-président du Conseil régional de Rhône-
Alpes, la région Rhône-Alpes pense-t-elle aussi à ces petites choses comme l'arrivée dans
les stations ?

Bernard SOULAGE, vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes
: Je suis
maintenant chargé des questions internationales, mais j'étais avant chargé des transports.
Je vais donc répondre à votre question avec la casquette « Transport ».
Un chemin considérable a été parcouru. Je vais vous raconter une anecdote, même si j'ai
presque honte de le faire.
Nous avons lancé dans deux stations, avec la Compagnie des Alpes que je remercie, une
idée simple « TER+Ski » qui permettait d'avoir une connexion entre le train et les stations (à
Chamonix, on peut arriver en train et aller soit à l'Aiguille du Midi, puisque nous y avons
construit une gare, soit à Vallorcine). Nous avions donc fait une opération de promotion et la
Compagnie du Mont-Blanc et la Compagnie des Alpes (dont je remercie les deux présidents)
avaient accepté que les forfaits soient à demi-tarif durant deux week-ends de fin janvier. Or,
nous avons eu un seul client. Pourquoi ? Parce que cela concerne le point que nous n'avons
pas assez évoqué ce matin et que tous les maires des stations m'ont entendu parler
plusieurs fois, à savoir que l'on ne peut pas faire du report modal s'il n'y a pas de limitations
dans l'utilisation de la voiture individuelle. Si vous mettez autant de temps pour monter à
l'Alpes d'Huez en car et accéder au domaine skiable qu'en voiture individuelle, vous n'aurez
pas de report modal.
On connaît tous l'expérience Mobile-Alpes. On l'a tous regardé de très près. Elle n'a pas
porté ses fruits, parce qu'il n'y avait pas, à l'arrivée le « plus » par rapport au service attendu.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » À un moment, il va falloir passer à ce que font les Italiens ou les Suisses, à savoir la priorité
absolue, y compris à l'arrivée, à ceux qui ont pris les transports publics (le car a donc la
priorité absolue), parce qu'il faut arriver à ce report modal.
Si on continue à vouloir mener simultanément les deux politiques, cela sera voué à l'échec.
Les stations doivent donc avoir une politique volontariste par rapport à cela.
Reste que tous les détails comptent, et vous avez raison.
La coordination horaire a été un de mes combats avec la SNCF. Ils sont de bonne volonté,
sauf que la machine est terrible. Pour changer le site « www.voyages-sncf.com », c'est
hallucinant et on en a souvent parlé avec Marc. On n'arrive pas à ce que les horaires soient
figés le 30 août ou le 5 septembre, c'est-à-dire ceux qui vont entrer en service au
12 décembre, de façon à ce que vous puissiez les adapter.
Permettez-moi d'aborder un instant les aspects internationaux en revenant sur la Convention
alpine et ses déclinaisons.
Je dis aux opérateurs que des crédits européens sont disponibles par rapport à cela. Il y en
a pour le câble. Je pousse beaucoup le projet entre Crolles et Brignoud, voire entre la gare
de Magland et Flaine.

Olivier RAZEMON
: Pouvez-vous détailler pour Crolles-Brignoud ?

Bernard SOULAGE
: C'est entre Brignoud et Crolles dans le Grésivaudan. Cela dessert
deux pôles urbains et deux pôles d'activité. Si on veut passer par-dessus la rivière et
l'autoroute, certains proposent le tram-train, mais cela va prendre quinze ans et coûter de
100 à 130 millions d'euros, car les obstacles sont terribles.
Par le câble, le projet coûte de 10 à 15 millions d'euros et il a tout à fait sa logique (Pierre
Jaussaud a eu raison de l'évoquer tout à l'heure).
Sur cela, des crédits européens sont possibles. Il faut que l'on avance. Je l'indique d'autant
plus que la région Rhône-Alpes est en charge de la gestion de cela, ce qui est très rare en
France.
Au-delà des crédits d'Interreg, il y a la dynamique globale. À travers la Convention alpine et
l'espace alpin qui est un espace de coopération, on doit et on peut porter des politiques
interrégionales et des politiques internationales.
J'incite vraiment à ce qu'on soit très attentif à cela, à la fois en benchmarking, parce que ce
que font les autres est souvent beaucoup mieux (on a tous reconnu ce qui a été dit tout à
l'heure sur les exemples de station) et en dynamique de l'ensemble des acteurs du secteur.

Olivier RAZEMON
: Vous dites que vous n'avez eu qu'un utilisateur. L'argent ne fait donc
pas tout finalement. Même si un bus est gratuit, s'il est lent, peu sûr ou fiable, va-t-on quand
même le prendre ?

Bernard SOULAGE
: Bien sûr que non. C'est l'arbitrage « Le temps, c'est de l'argent et
réciproquement » que tout le monde connaît. C'est pour cela qu'il faut à la fois une incitation
financière et une incitation par le côté pratique. Nous avons donc en responsabilité d'avoir
une chaîne « transport » impeccable, ce qui n'est pas le cas.
Dans la vallée de Chamonix, on commence à atteindre un niveau de performance très
correct. Du coup, quand vous prenez le petit train du Mont-Blanc, tant en été avec les vélos
qu'en hiver avec les skis, il y a un vrai report modal. Plein d'étrangers n'imaginent plus venir
à Chamonix en voiture. On l'a concrètement vu. Cela fonctionne. La halte de l'Aiguille du
Midi n'est pas encore un succès formidable, mais elle rencontre un vrai succès. La liaison à
Vallorcine fonctionne bien et, à l'intérieur, cela fonctionne aussi en été alors que c'est moins
encombré. Il y a donc une appétence pour ce type de fonctionnement. Vous voyez beaucoup
de gens avec leur vélo dans le train, notamment sur Vallorcine.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » J'ai le sentiment que l'on a presque atteint l'optimum à cet endroit.
La liaison des Arcs fonctionne aussi très bien.
Le projet de Flaine que nous portons avec Martial Saddier, dans le cadre de la candidature
olympique d'Annecy, lié à la gare de Magland n'a de sens…

Olivier RAZEMON
: C'est dans la vallée…

Bernard SOULAGE
: La gare de Magland se trouve entre Cluses et Sallanches. On peut y
arrêter les TER et les TGV puisque le projet consiste à faire une arrivée TGV à Saint-Gervais
à condition :
- d'ombiliquer complètement cela à la gare (on peut d'ailleurs faire en partie la même chose à Cluses), - de restreindre (tout le monde le sait depuis le début, et on en a beaucoup parlé avec les opérateurs de Flaine) la circulation routière.
Si on fait les deux, on fait un travail de gribouille.
Le Maire de Magland connaît bien la situation, et on en a beaucoup parlé avec lui. Il faut
avoir une politique volontariste et intelligente afin que ce soit une chaîne « transports » de
qualité.

Olivier RAZEMON
: Merci Monsieur.
Madame COMET, vous êtes conseillère régionale en Rhône-Alpes, déléguée au tourisme et
à la montagne. Quel constat faites-vous sur cette mobilité en montagne en tant que nouvelle
élue ?

Claude COMET, Conseillère régionale en Rhône-Alpes, Déléguée au tourisme et à la
montagne
: On a dit beaucoup de choses ce matin autour de ce sujet.
Je connais ce sujet depuis longtemps ainsi que celui concernant l'environnement puisque je
suis élue écologiste dans la majorité et à l'exécutif de la Région. Le problème des
déplacements est un problème majeur et un problème pour les années futures pour
sécuriser l'activité touristique dans nos vallées et aussi pour permettre le déplacement des
habitants.

Olivier RAZEMON
: Pour sécuriser, c'est-à-dire ?

Claude COMET
: Monsieur a parlé tout à l'heure du développement. Or, il faut d'abord
sécuriser l'activité en permettant un investissement immédiat dans des transports collectifs,
car il y a des actions citoyennes en matière de diminution des émissions de gaz à effet de
serre. À ce sujet, on a des efforts à faire, puisque la majorité des émissions de gaz à effet de
serre dans les stations de ski provient des transports, que le problème du « Peak Oil » nous
arrive sur la figure et que le prix de l'énergie explose.
Pour rendre cela attractif, il faut effectivement mettre tout le monde autour de la table. On l'a
dit sans arrêt.
L'exemple vient évidemment de l'Autriche et de la Suisse, et ils ont été les premiers à mettre
cela sur la table quand ils pilotaient l'Union Européenne en disant : « Il faut travailler sur
l'accompagnement du touriste depuis sa destination originelle jusqu'au dernier kilomètre ».
À ce sujet, les Suisses ont trente-six mille longueurs d'avance. Par exemple, la station
d'Arosa n'investit plus sur la route. Si on veut y aller, on ne passe pas par la route, mais on
utilise le train. C'est ce qu'a dit Bernard Soulage.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » On a donc à mettre les collectivités autour de la table, parce que les autorités organisatrices
sont différentes. Il faut donc que celles-ci acceptent de montrer leurs pièces de puzzle et
qu'elles travaillent ensemble pour sécuriser le produit touristique.
Par ailleurs, les opérateurs touristiques ont leur rôle à jouer. Lorsqu'on fait des prix sur les
forfaits, on joue son rôle.
Jean-Henri MIR a parlé de sa station, Bernard a parlé des problèmes de report sur le train.
Ax-les-Thermes a fait la même chose à partir de Toulouse, car il y avait une liaison directe
par train que personne ne prenait du fait qu'on ne savait pas comment faire le dernier
kilomètre ou parce qu'il n'y avait pas assez d'informations par rapport au train.
Je corrige ce qu'a dit Monsieur tout à l'heure. Si je veux aller de Villedieu-les-Poêles à
Morzine, où vais-je trouver l'information ? Je ne la trouverai pas sur le site de la SNCF
(pardonnez-moi, Monsieur qui représente la SNCF).

Olivier RAZEMON
: Tout le monde parle d'un hypothétique représentant de la SNCF, mais
je ne suis pas sûr qu'il y en ait un.

Claude COMET
: En tout cas, l'information n'y est pas, parce que c'est surtout un site
vendeur qui privilégie la grande vitesse.
En revanche, je vais la trouver, y compris avec les bus, sur « www.cff.ch » avec les horaires,
les intermodalités, les interconnexions. On a encore beaucoup de travail à faire là-dessus.

Olivier RAZEMON
: Quel merveilleux pays, la Suisse !

Claude COMET
: Bernard a fait un travail vraiment remarquable, mais il faut que l'on
continue à le faire. Les autorités organisatrices doivent travailler ensemble sur les centrales
de mobilité, sur l'interconnexion, sur le cadencement.
Ce dernier kilomètre sera attractif pour le visiteur et il servira à desservir les vallées pour les
habitants (parce qu'il faut se servir du tourisme pour améliorer les services aux habitants) s'il
est simple, lisible grâce à l'information et s'il est cadencé, car on sait que l'on va trouver une
navette et pas seulement lorsqu'il y a des touristes.
Voilà le travail que j'ai envie de porter, dans la suite de ce qu'a dit Bernard SOULAGE, en
tant que déléguée au tourisme et à la montagne ainsi que la première Vice-présidente au
transport, Bernadette LACLAIS.
Le câble est fondamentalement une des solutions d'avenir non seulement vis-à-vis des
ascenseurs en vue de monter dans les stations, mais aussi pour faire du déplacement à plat.
Aujourd'hui, la société POMA réalise 20 % sur de l'urbain.
Il existe des tas de projets. Bernard SOULAGE a lancé des expérimentations en Rhône-
Alpes.
Il est extraordinaire d'imaginer qu'un fil pourrait relier La Balme de Sillingy et Annecy-le-
Vieux à plat.

Olivier RAZEMON
: Il est surtout intéressant de voir que ces projets à plat peuvent être
utilisés en montagne, parce que les gens sont habitués à voir des téléphériques et des
cabines. Du coup, ils imaginent que cela peut servir autrement.

Claude COMET
: La difficulté vient peut-être – Monsieur JAUSSAUD en parlerait mieux – du
fait que les gens considèrent que les transports par câble concernent la montagne et qu'il y a
toujours la crainte du survol.
Entre une télécabine et une deux fois deux voies, je ne sais pas où est la valeur ajoutée.
Bernard a parlé du prix tout à l'heure.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Quand on fait ce que vous préconisez, Monsieur SOULAGE, c'est-à-
dire de donner la priorité aux voyageurs qui viennent autrement qu'en voiture, on se fait
aussi des ennemis. Cela n'est pas facile à faire accepter cela.
Les touristes sont là une partie de l'année, mais comment fait-on le reste du temps ? Arrive-
t-on à faire passer, y compris auprès des habitants, l'idée que la voiture n'est plus le moyen
de transport favorisé en montagne ?

Bernard SOULAGE
: Comme toujours, il faut être pragmatique. Je dis aux maires des
stations que l'on a essayé d'aider de garder des dépose-minute, mais d'éloigner les parkings
(beaucoup commencent à le faire) afin de ne pas avoir cet envahissement qui fait d'ailleurs
qu'on a une perte économique au sens fort du terme puisque nos stations ne ressemblent à
rien.
Je vous raconte une autre anecdote. Je ne sais pas s'il y a un représentant de Val d'Isère ici,
mais je me suis battu avec les deux maires de Val d'Isère.
Lors des Championnats du Monde à Val d'Isère en février 2009, on s'était dit, avec Jean-
Claude Killy, le Président du Comité d'organisation à l'époque, que les gens devaient venir
en transport collectif, car on voulait donner cette image. On voulait amener du monde, mais
on ne voulait pas être envahi de voitures. On avait dit aux élus locaux qu'on allait être
radicaux dans cette affaire et qu'on allait même leur proposer quelque chose d'ahurissant qui
était de ne pas déneiger les rues de Val d'Isère. J'avais ajouté qu'à Davos, les VIP du
Sommet mondial de l'Économie étaient fort contents qu'il y ait de la neige dans les rues et
qu'ils se baladaient avec les skis sur l'épaule.
On a ainsi accueilli (le maire a changé, mais Marc Bauer a gardé la même politique)
40 000 personnes le jour du slalom qui n'étaient pas venues en voiture, mais en train ou en
bus. Cela prouve que cela fonctionne. Lors de ces Championnats du Monde, Val d'Isère est
donc resté entièrement blanc.
Lorsque je suis allé au Critérium de la première neige cette année, j'ai constaté qu'on a
arrêté de déneiger les rues de Val d'Isère et que l'on continue d'avoir des rues blanches.
À un moment, les gens intègrent cette logique. Il est mille fois plus sympathique de se
balader dans Val d'Isère ou au Grand-Bornand s'il n'y a pas de voitures partout et si vous ne
respirez pas du CO2, et y compris du point de vue économique.
Les gens vont en Suisse, en Autriche ou en Italie du Nord (nos amis italiens sont cent fois en
avance sur nous, notamment dans les Dolomites), parce que tout contribue à ce qu'il y ait
une ambiance « montagne ».
Pour être pratique, il ne faut pas interdire la circulation automobile, car il faut que les gens
puissent de débrouiller s'ils ont des enfants, des skis ou autres, mais, pour inciter au report, il
faut la carotte et le bâton comme d'habitude comme avec les enfants (on est tous des
grands enfants). Je crois qu'il faut avoir cette optique.
Tout cela coûte beaucoup d'argent. Je ne partage pas complètement la distinction entre le
client et l'usager, mais elle a au moins un sens. En effet, plus on fait du transport public, plus
il faut mettre de l'argent public. Or, les Collectivités locales sont aujourd'hui dans une
situation extrêmement tendue par rapport à cela.
Comme Éric Fournier l'a évoqué tout à l'heure, le budget de fonctionnement pour faire
circuler des trains dans la Vallée de Chamonix coûte 8,5 millions d'euros par an à la région
Rhône-Alpes. Un train coûte 7,5 millions, donc nous allons mettre 20 millions d'euros pour
améliorer la ligne. Tout le monde doit donc prendre la mesure de ce coût très élevé. Par
conséquent, tous les opérateurs de la montagne doivent y contribuer et pas seulement les
opérateurs des Collectivités locales qui sont exsangues de ce point de vue-là.
Si on veut changer la donne en matière de transport, il faut qu'il y ait un effort collectif.

Olivier RAZEMON
: C'est un investissement important pour l'avenir, si je comprends bien.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Claude COMET : Pour renchérir sur ce qu'a dit Bernard, cela concerne effectivement
l'ensemble des acteurs.
Quand il vient en montagne, le client vient pour voir du blanc et pour cette ambiance. Or, que
l'on soit ou pas client, il est toujours plus facile de venir en voiture et on veut en plus pouvoir
se garer devant le chalet, les remontées mécaniques, la boulangerie, etc. À un moment, il
faut donc mettre en place une certaine pédagogie.
Les stations ont fait un effort pour qu'il y ait moins de voitures, mais cela demande vraiment
à travailler cela ensemble.
Chacun doit être acteur et financeur de cela.

Olivier RAZEMON
: Je voudrais revenir sur le marketing. Madame BREYTON, comment
vend-on un transport par car, par fer, par câble ? Une Collectivité peut-elle faire de la
publicité ? Cela commence-t-il à se faire ?

Corine BREYTON
: On peut dire que cela commence à se faire.
Nous avons deux types de client (je ne sais plus s'il faut dire client ou usager) : les Isérois et
les non-Isérois.
En ce qui concerne les Isérois, on a beaucoup d'outils pour les informer, ne serait-ce que le
magazine du Conseil général.
Pour les non-Isérois, on fait des insertions publicitaires dans des magazines comme Alpes
Loisirs qui sont diffusés au niveau national au moment de l'automne. On a donc quelques
outils de diffusion nationale.

Olivier RAZEMON
: Avez-vous des questions sur ces thèmes ?

Pierre JAUSSAUD, président de l'Association Le Chaînon Manquant
: J'ai deux
remarques.
La première concerne le réseau suisse. Tout le monde dit que le réseau suisse est une
merveille. C'est vrai. Dans l'indicateur officiel des chemins de fer suisses, vous trouverez
308 installations de transport par câble en service public permettant d'accéder non
seulement aux stations de ski mais aussi aux villages de montagne.
Dans la vallée du Valais, un peu après Sion, un téléphérique part de la gare CFF de Betten
Talstation pour vous amener à Betten où vous en trouvez un autre pour vous emmener
directement à Bettmeralp. De la même gare du fond de vallée, vous accédez à la station de
Bettmeralp, une station entièrement piétonne, avec un deuxième téléphérique qui est direct,
téléphérique qui permet de monter le matin le camion qui va ramasser les poubelles puis de
le redescendre, de monter les matériaux de construction dont on a besoin, etc.
Il n'y a aucune voiture à Bettmeralp et beaucoup de stations suisses sont sous ce régime.
Il faudrait donc que les responsables de station se demandent pourquoi les stations suisses
sont toujours pleines alors que nous avons du mal à remplir les nôtres.
Par ailleurs, on a dit qu'il n'y avait pas d'expérience de câble à plat. Ce n'est pas tout à fait
exact. De nombreuses villes possèdent des remontées mécaniques à plat. Aux États-Unis, il
y a le téléphérique qui relie l'île de Manhattan à l'île de Roosevelt. Comme il y avait un
obstacle à passer, cela coûtait moins cher que de faire un pont. Cela ne se discute même
plus.
En revanche, dans la ville de Taylor-Ridge, dans le Colorado, des amis m'ont montré des
photographies où l'on voit une télécabine passer à plat dans une zone urbanisée.
Contrairement aux voitures que l'on entend et que l'on sent, on ne remarque pas ce type de
transport, hormis si on lève les yeux.

Olivier RAZEMON
: Merci beaucoup.
Monsieur.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Gérard RUIZ, inspecteur général de l'Équipement : Je suis Président du Groupe qui
travaille dans le cadre de la Convention alpine sur la mobilité durable, donc les travaux dont
a parlé Thierry Louis tout à l'heure.
Je partage ce qui a été dit, donc je vais plutôt faire un appel du pied à l'ensemble des élus
et, notamment, au Conseil régional.
Les problèmes identifiés sur ces sujets sont ceux que vous avez signalés, c'est-à-dire la
qualité du service sur la chaîne complète de transport et le problème concernant
l'information sur le dernier kilomètre.
La Convention alpine travaille en ce moment sur la manière de mettre en place un système
d'information à l'échelle de la Convention alpine, donc partagé par l'ensemble des pays, pour
éviter de passer par le système d'information suisse ou allemand en vue d'obtenir des
informations sur les moyens permettant de se déplacer. Une réflexion est en cours.
On travaille notamment avec la SITRA Rhône-Alpes pour voir comment on peut organiser la
réflexion du côté français, l'idée étant qu'à la prochaine conférence avec les ministres, on
puisse proposer un projet de réseau européen d'information sur les logiques de transport,
sachant que le problème est celui que vous avez souligné, Madame, c'est-à-dire le lien entre
les opérateurs de transport et les opérateurs touristiques. On trouve des informations
partout, mais c'est un parcours du combattant pour les obtenir. Lorsque vous êtes un
particulier, vous ne le faites pas, vous prenez votre voiture.
Le deuxième sujet sur lequel travaille la Délégation française porte sur un nouveau modèle
économique d'évaluation des différents systèmes de transport sur le dernier kilomètre, car
cet élément manque également. On connaît bien sûr la logique des coûts qui se traduisent
par des lignes budgétaires sur les Collectivités, comme l'a rappelé Monsieur Soulage, mais,
en réalité, on ne prend pas en compte l'ensemble des coûts-avantages des différents
systèmes.
Nous travaillons donc actuellement avec les services techniques du Ministère de la Région
PACA et de Rhône-Alpes pour pouvoir identifier un nouveau modèle d'approche qui intègre
d'autres externalités. Cela permettrait aux élus d'avoir non seulement une vision complète,
mais aussi d'avoir des possibilités d'explication sur le fait de prioriser tel mode de
déplacement plutôt que tel autre autrement que par la dépense et, bien évidemment, de
pouvoir faire reporter les charges sur l'ensemble des bénéficiaires du dispositif.
On est donc en train de regarder sur cette grille comment on peut trouver des applications
sur le terrain.

Olivier RAZEMON
: Merci. Monsieur Soulage va réagir sur le premier aspect.

Bernard SOULAGE
: Je voudrais aller dans votre sens, mais cela va être compliqué. Il faut
donc que l'on trouve des formes de partenariats plus souples que ce que l'on a aujourd'hui.
La Convention alpine est une usine à gaz. Je vous l'ai dit. Je suis allé à la dernière
conférence et nous avions organisé, à Chambéry, la Conférence des régions alpines en
amont de la conférence ministérielle. J'avoue que les régions alpines sont toujours en
attente d'une vraie dynamique alpine.
C'est un enjeu et je suis absolument convaincu de cela, mais je me permets d'indiquer - on
en parle souvent avec vous, on se connaît et j'en ai parlé avec les ministres aussi - qu'à un
moment, il faut s'appuyer aussi sur les autorités locales (en Autriche, en Suisse et en Italie,
elles ont plus de poids qu'ici), car la dynamique intergouvernementale n'est pas suffisante. Il
faut aussi une dynamique interrégionale.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Par ailleurs, il faut aussi que toutes les autorités organisatrices - je relaie ce qu'ont dit Claude
COMET et Marc BAÏETTO tout à l'heure - travaillent ensemble avec leurs prestataires, car,
comme vous l'avez dit, Madame, nous ne pouvons pas, en tant qu'autorité organisatrice, tout
régler.
Concrètement, il faut effectivement que les prestataires - vous avez souligné l'absence de la
SNCF - puisque cela passe la plupart du temps par des prestataires publics ou privés,
travaillent ensemble sur cette chaîne « transport ».
Je dis souvent que c'est un immense travail, presque sisyphéen.
C'est compliqué, mais je veux dire aux acteurs de la montagne – et ils le savent – que c'est
un enjeu économique. Nous n'aurons pas un développement harmonieux de nos stations si
nous ne réglons pas cette question dans les dix ou quinze ans à venir.
Il y a de la concurrence sur cette question et nos amis concurrents sont en avance sur nous.

Olivier RAZEMON
: Merci beaucoup.
Monsieur.

Alain BOULOGNE
: J'ai été maire de la station des Gets en Haute-Savoie. À l'époque, on
s'était déjà beaucoup penché sur ce problème en rentrant dans une procédure européenne,
ce qui fait qu'on a actuellement un peu d'avance.
On sait que toutes les vallées alpines, sauf une, sont desservies par des voies ferrées à voie
unique. Cela veut dire qu'on est actuellement capable d'acheminer 6 % de nos clients par le
train et qu'en optimisant un maximum, on pourra seulement en acheminer 7 %. La première
question est : « Quelle est la solution rapide et alternative même au train puisqu'on ne peut
pas acheminer plus de 7 % de personnes par le train ? »
Par ailleurs, la montée des touristes par le câble depuis le Piémont est une très bonne idée,
mais il faut réfléchir au stockage des voitures dans la ville en bas. En effet, les sites de
montagne savent seulement renvoyer les ordures et les eaux usées et laisser les voitures en
bas. Cela va donc être un problème.

Jean PICCHIONI, président de la station des Sept-Laux
: Monsieur LOUIS n'a pas donné
le résultat de son sondage, mais vous avez dû deviner que c'était une vraie galère pour les
Sept-Laux avec Transisère et la liaison de la SNCF Station.
Il y a effectivement du travail à faire, mais ce n'est pas facile pour les organisateurs et les
opérateurs.
On a parlé de marketing. Nous recevons de nombreuses lettres de contestation. Une
mauvaise qualité de service finit par faire de la contre-publicité.
On aura l'occasion d'en parler et d'améliorer les choses bien évidemment.

Olivier RAZEMON
: Avez-vous des réactions par rapport à cela ?

Claude COMET
: Le problème du doublement des voies est un problème important en
Haute-Savoie. La Région s'y est attaquée, mais, encore une fois, il faut travailler avec
d'autres partenaires, RFF et la SNCF, en particulier sur un désinvestissement de la SNCF
depuis près de cinquante ans. Finalement, les Collectivités, donc la Région, payent cela. Par
conséquent, cela se fait pas à pas.
Dans l'étude dont Monsieur a parlé, il y a la possibilité de pallier le moment où l'on
commence à réinvestir pour doubler les voies de chemin de fer, parce qu'il faut le faire pour
arriver dans nos stations.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » En Haute-Savoie, il y a le projet Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (CEVA) de liaison avec la
Suisse afin de relier le réseau ferré d'Annemasse à la Suisse, puisque c'est un maillon
manquant. La Suisse et la région Rhône-Alpes vont donc investir fortement sur cela. Cela va
ainsi permettre de recréer un système de doublement des voies et de TER sur toute la
Haute-Savoie du Nord, mais c'est très lent, on le sait, et les investissements sont colossaux,
comme cela a été dit. C'est donc compliqué. En attendant, il faut mettre tout le monde autour
de la table sur l'intérêt et la sécurisation du modèle économique, mais il faut aussi trouver
des solutions alternatives.
Je suis complètement d'accord quand il dit que le tram-train était parfait, mais qu'en
attendant, on pouvait mettre du câble, parce que cela va mettre du temps pour financer le
tram-train. Trouvons les moyens de faire le passage, mais pensons à investir aujourd'hui
pour demain.
Par exemple, pour faire le passage, on a réfléchi, dans cette étude, à utiliser des autocars
pour relier les stations aux villes. Il va bien falloir trouver des solutions qui ne consistent pas
à rejeter les problèmes du haut sur le bas.

Olivier RAZEMON
: Corine BREYTON.

Corine BREYTON
: Sur les grosses stations iséroises, on a autant d'offres de transport
qu'ailleurs.
Marc BAÏETTO a expliqué tout à l'heure que le budget des transports allait se stabiliser du
fait que les finances des Collectivités locales ne permettaient pas de l'augmenter très
fortement.
En ce qui concerne la qualité de service, les conducteurs sont des humains. Ils ont parfois
certains défauts, donc il est peut-être nécessaire de plus les former vis-à-vis de l'accueil
commercial.
S'agissant de l'aménagement de l'espace public puisque les gens ont signalé des conditions
d'attente peu agréables, il faudra installer un abribus, mais cela se fait en concomitance avec
la Commune puisque le Conseil général donne des subventions pour les abribus et que la
Commune doit les lui demander.
On a d'autres réclamations concernant les abribus, donc je pense que tous les arrêts ne
doivent pas être équipés.

Olivier RAZEMON
: On prend une dernière question avant de passer à la table ronde
suivante.

Henri SAVORNIN,
maire de Montclar, Alpes-de-Haute-Provence : Vous parlez de voie
ferrée dans les vallées, mais il n'y a pas de trains à Digne-les-Bains, donc, si on n'a pas de
voiture, je ne vois pas comment on peut venir.
De surcroît, on y vient assez mal en voiture quand on vient de chez vous, parce que
l'autoroute n'est toujours pas terminée. Je le signale au passage au Président qui plaide des
tas de causes. Si des fois, tu as un moment, tu pourrais penser à cela.
En tout cas, nous prenons conseil et nous essayerons bien sûr d'acheminer un maximum de
clients sans la voiture.
Actuellement, 99 % viennent en voiture, quelques-uns à vélo, mais ils sont très rares.
(Quelques applaudissements.)

Olivier RAZEMON
: Merci. C'est la vraie question, parce qu'en Rhône-Alpes, on peut le faire
à peu près, mais la question se pose effectivement comme cela.
Madame Comet.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Claude COMET : Je connais bien les Alpes du Sud, les Alpes de Haute-Provence et les
Hautes-Alpes. En tant que nouvelle élue régionale, j'ai été interpellée par un ami proche,
René Borel, le Directeur du Comité départemental du Tourisme des Hautes-Alpes, qui m'a
demandé ce que je pensais des autoroutes. Nous sommes contre l'investissement de
l'argent des Régions.
Je ne sais pas ce que décide PACA par rapport aux autoroutes, mais, pour moi qui suis élue
écologiste, c'est exactement comme pour les énergies renouvelables et le nucléaire. Tant
qu'on continuera à mettre de l'argent d'un côté, on n'en mettra pas de l'autre. Il faut donc
choisir nos objectifs.
(Quelques applaudissements.)

Olivier RAZEMON
: Merci de cette contribution au débat.
Nous passons à la table ronde suivante avec Monsieur DÉLÈZE et Monsieur BOSIO.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » LA MOBILITE DURABLE EN ITALIE ET EN SUISSE

Olivier RAZEMON
: Monsieur DÉLÈZE, vous êtes collaborateur du Service des Transports
au Canton du Valais et vous êtes une sorte de représentant du paradis sur terre qui est la
Suisse, dont on a parlé. Où en est le modèle absolu qu'est la Suisse ? Comment
fonctionnent les transports en Suisse, en particulier dans le Valais ? Qui paye et pourquoi
cela fonctionne-t-il si bien en Suisse ?

Gilles DÉLÈZE, Service des Transports du Canton du Valais
: Tout d'abord, merci pour
ces compliments, mais je crois qu'il ne faut pas fustiger la France.
Je suis assez étonné d'entendre ce point de vue, parce qu'en travaillant tous les jours sur la
problématique de la mobilité des transports, j'ai peut-être tendance à voir les points noirs que
l'on a chez nous, car nous en avons aussi énormément, et ces points noirs, ces difficultés,
se trouvent être les mêmes que les vôtres, donc que celles de la France. Replaçons l'église
au milieu du village et remettons les pendules à l'heure.
Je travaille pour l'Administration cantonale du Canton du Valais.
Le Valais est une vallée de 100 km de long, entre 400 et 600 m d'altitude, dans laquelle il y a
une ligne ferroviaire à double voie, une autoroute à double voie qui sera bientôt terminée (on
l'espère) en 2016 et 300 000 Valaisans (cela monte à 600 000 personnes durant les
vacances de février).
Ce canton est le deuxième canton le plus motorisé après le Tessin, avec 57 véhicules pour
100 habitants (sachant qu'on peut mettre 4 personnes par véhicule, donc on a une marge de
progression).
On a la chance d'avoir des stations qui ne sont pas accessibles en voiture pour des raisons
topographiques et historiques. Par exemple, Zermatt a été fondée il y a 100 ou 150 ans,
mais les liaisons ferroviaires ont été mises en place au début du XXe siècle.
Les autorités et les acteurs économiques de ces stations ont travaillé pour contenir la station
dans un espace restreint, pour que la station ne s'étale pas. Dans ces stations, il y a une
majorité d'hôtels par rapport à la parahôtellerie. A contrario, dans d'autres stations comme
Zermatt ou Verbier.

Olivier RAZEMON
: Je n'ai pas compris le lien entre l'hôtel et l'étalement.

Gilles DÉLÈZE
: Dans un hôtel, vous pouvez mettre beaucoup de touristes et les hôtels sont
concentrés au centre de la station.

Olivier RAZEMON
: Ce ne sont pas de petits chalets. En France, on n'a pas l'habitude de
mettre les gens dans des chalets. C'est pour cela que je vous dis cela.

Gilles DÉLÈZE
: Chez nous, la parahôtellerie, en tout cas en Valais, est un problème, parce
que cela prend du territoire comme à Verbier.
Par exemple, à Zermatt, tout le monde y va en train et tout le monde marche dans la rue,
qu'il soit milliardaire, millionnaire ou simple quidam. Vous pouvez seulement vous
différencier par la marque de vos skis.
En revanche, à Verbier, vous vous différenciez par votre voiture.
À Verbier, la Collectivité a financé les chemins où deux Fiat Panda peuvent se croiser, mais,
quand vous avez deux Porches Cayenne, cela pose problème.
Les problèmes d'aménagement du territoire, d'attractivité, d'urbanisme dans les stations qui
sont à 100 % pour la voiture ne sont pas du tout les mêmes que dans les stations qui ont la
chance d'être des stations privées de voitures ou ayant un grand parking de captage à
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » l'entrée de la station qui permet de ne plus avoir de voitures dans la station, des stations
blanches ou des stations avec des véhicules électriques.

Olivier RAZEMON
: Quel est le rôle du canton dans tout cela ? On a expliqué que les
308 télécabines fonctionnaient très bien en Suisse. Comment cela est-il financé ?

Gilles DÉLÈZE
: Le point de départ est : aucune installation de transport public n'est
rentable. Toutes les installations, que ce soient le train, le bus ou des installations par câble,
qui offrent une prestation de service public, sont indemnisées pour ces prestations de
service public.
En Suisse, elles appartiennent généralement à des sociétés anonymes. C'est le cas des
remontées mécaniques (on a parlé de Bettmeralp) où le taux de couverture est de 83 %,
c'est-à-dire que le prix des tickets couvre 83 % du prix de fonctionnement de la liaison. Les
collectivités publiques ont à mettre 17 % sous forme d'indemnités. Cela marche bien. La
société anonyme qui gère les Bettmeralp Bahnen AG n'a pas de problème avec cela.
En revanche, pour nombre de petites installations, de petits téléphériques, qui ne desservent
pas forcément une station, mais qui desservent un village, qui ont été construits dans les
années cinquante parce que c'était plus avantageux à l'époque (déjà) de construire un câble
plutôt que de construire une route sur plusieurs kilomètres en montagne, la rentabilité est
encore moins bonne puisque le taux de couverture est de 40 %, voire moins. Comme les
entreprises privées ne sont pas intéressées à gérer ces installations, elles se retrouvent
dans les mains des Collectivités qui les entretiennent et les financent pour des raisons
émotionnelles, historiques, de service public.
Elles sont remises en question et sont actuellement sur la sellette, parce que les comptables
de la Bern Fédéral aimeraient bien que les dessertes publiques qui ont moins que « x »
personne par jour soient purement et simplement fermées.
Ce problème ne concerne pas les stations touristiques puisque le nombre de personnes qui
vient dans les stations touristiques est suffisant pour atteindre ces normes. Cela concerne
les installations qui remplacent des routes et qui servent de transport public pour les villages
et non pour les stations touristiques.

Olivier RAZEMON
: Vous êtes en train de nous expliquer que Bern fait un peu comme Paris
et que, quand le moyen de transport, en l'occurrence par câble, n'est pas assez rentable, on
préconise la suppression et le Canton reprend la main. C'est cela ? Comment cela se passe-
t-il ?

Gilles DÉLÈZE
: Si les budgets le permettent, le Canton le reprend. On possède quelques
installations non subventionnées par la Confédération.
On essaie d'avoir des critères locaux de combat contre l'exode rural pour ces petits villages
qui ne sont pas forcément ceux de la Confédération, donc de l'État fédéral, qui investit plutôt
dans les centres urbains au détriment des zones périphériques, mais ce problème est
partout le même.

Olivier RAZEMON
: L'autre aspect au sujet duquel tout le monde dit du bien de la Suisse
concerne la coordination de l'information, la centrale de mobilité, CFF, etc. Pourquoi cela
fonctionne si bien et cela fonctionne-t-il vraiment si bien ?

Gilles DÉLÈZE
: Je ne sais pas pourquoi cela fonctionne bien et je ne sais pas pourquoi
cela semble moins bien fonctionner chez vous.
Je n'ai pas de réponse, mais c'est peut-être à cause du centralisme.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Quel problème se pose concrètement ? Des trains arrivent de Zurich,
de Genève, de France, d'Allemagne, et il faut coordonner cela avec les transports locaux.
C'est parfois compliqué, parce que cela peut être tout simplement une histoire d'école qui
doit ouvrir plus tôt.

Gilles DÉLÈZE
: La coordination des horaires se fait partout de la même manière.
Une donnée de base est fournie par les liaisons internationales. Chez nous, en Valais, les
trains qui font Milan-Genève et les trains du réseau national, qui sont cadencés à la demi-
heure, donnent la trame de base. Là-dessus, se greffe le réseau de bus. Pour le câble, c'est
relativement plus simple puisqu'une télécabine tourne en continu.
Le problème est aussi à l'autre bout de la ligne, parce qu'à l'autre bout de la ligne, vous avez
une école et que les clients principaux de nos réseaux de bus sont les scolaires, donc ce
sont des gens captifs. En plus, le directeur de l'école n'a pas forcément envie de changer
son horaire pour arranger l'entreprise qui effectue les transports par bus.

Olivier RAZEMON
: C'est vraiment la difficulté de mettre en place un horaire pour prendre
en compte l'ensemble des usagers qui ne sont pas en plus les mêmes chaque jour, chaque
mois, etc., et selon les saisons.
Autre question importante : l'utilisation de ces transports non seulement par les touristes,
mais aussi par les salariés.
Je vous donne l'exemple de Verbier que vous connaissez, car cela m'a toujours frappé. Les
télécabines qui desservent Verbier depuis Le Châble s'arrêtent à 18 heures 30 alors que l'on
annonce, depuis dix ans, que cela va s'arrêter un peu plus tard. Comme les salariés qui
travaillent à Verbier arrêtent de travailler à 19 heures, ils montent en voiture non seulement
parce que cela coûte très cher d'habiter en haut, donc ils habitent en bas, mais aussi parce
qu'ils ne pourraient pas redescendre en télécabine. Pourquoi diable ce téléphérique s'arrête-
t-il à 18 heures 30 alors qu'il suffirait de le prolonger d'une heure chaque jour pour que les
saisonniers, les salariés, puissent redescendre également par le téléphérique ?
Je prends un exemple, mais cette question est assez récurrente.

Gilles DÉLÈZE
: La télécabine appartient à la société privée Téléverbier SA qui ne fait pas
de prestation de transport public et qui ne touche pas d'indemnités pour ce transport.

Olivier RAZEMON
: Il n'y a donc pas de subvention de l'État.

Gilles DÉLÈZE
: Ce sont des clients et non des usagers.
En parallèle de cette télécabine, il y a une ligne de bus. Si on veut ouvrir cette télécabine
plus tard, ce sera une prestation de service public, donc les Collectivités publiques vont
devoir mettre la main au porte-monnaie. En particulier, s'il y a suffisamment de personnes, la
Confédération sera appelée à mettre la main au porte-monnaie pour payer une partie de
l'indemnité, mais la Confédération va dire : « Je ne paye pas l'indemnité pour cette
télécabine, parce qu'en parallèle, j'ai une ligne de bus ».

Olivier RAZEMON
: Le car postal est donc un concurrent.
Si j'ai bien compris, à Bern, le principe est de dire : on ne subventionne pas une ligne de
transport quand elle rentre en concurrence avec une autre ligne déjà subventionnée. C'est
bien cela ?

Gilles DÉLÈZE
: On retrouve ce principe dans la région de Betten et Bettmeralp dont on a
parlé où il y a en parallèle une station intermédiaire et une installation directe. Il y a des
discussions à ce sujet, car Bern considère qu'il y a une double desserte. L'une est
effectivement rapide et l'autre est plus fine, mais une des deux va peut-être disparaître ou ne
sera plus indemnisée.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : On se heurte à cette question, mais j'insiste sur cela, car ce genre de
petite chose fait parfois que cela n'évolue pas. En l'occurrence c'est le cas. Il y a un principe
de non-concurrence alors qu'en réalité, les deux services ne sont pas exactement les
mêmes comme vous le soulignez, avec, d'un côté, un service en continu avec la télécabine
et, de l'autre, un car postal qui peut s'arrêter à différents endroits, ce que ne fait évidemment
pas la télécabine.
Un principe budgétaire, presque idéologique, bloque parfois des solutions concrètes.

Gilles DÉLÈZE
: Les comptables de l'Administration fédérale sont très « stur », comme on
dit chez nous, c'est-à-dire bien carrés, voire entêtés, têtus.
Je citerai comme exemple Zermatt, pour faire la comparaison Zermatt-Verbier.
La seule possibilité d'aller à Zermatt consiste à y aller en train depuis Täsch.

Olivier RAZEMON
: La voiture est interdite. C'est cela ?

Gilles DÉLÈZE
: La route est fermée. Seuls les ayants-droit peuvent emprunter cette route
(il y a un parking de 2 000 places à l'entrée de la station de Zermatt), et la Commune a
demandé de mettre en place des navettes pour les gens qui restent le soir en station, donc
pour le personnel ou pour les gens qui traînent en discothèque.
La cadence horaire est de 24 heures sur 24 en saison entre Täsch et Zermatt. Cela montre
qu'on peut le faire s'il y a la volonté et s'il y a de l'argent, donc une certaine masse critique
pour le faire.

Olivier RAZEMON
: Je vais vous poser la même question qu'à Madame Breyton. Faites-
vous la publicité de ces moyens de transport ? Est-ce votre rôle de Collectivité publique de
faire savoir ?

Gilles DÉLÈZE
: Les entreprises qui marchent n'appartiennent pas à des Collectivités
publiques ou partiellement à des Collectivités publiques. Ce sont des sociétés anonymes qui
sont là pour faire du profit, donc elles sont motivées, et elles font de la publicité et du
marketing.
Nous traînons les « boulets » pour parler un peu crûment, c'est-à-dire les petits
téléphériques dont personne ne veut, mais que l'on veut quand même maintenir, parce qu'on
considère qu'il est mieux de faire cinq minutes avec un téléphérique que vingt-cinq minutes
sur une route de montagne. Pour ces installations, on n'a pas pour l'instant, au niveau de
l'État, donc du Canton, de stratégie de publicité.
Cela est quelque part normal. Le seul service pour lequel l'Administration devrait faire un peu
plus de publicité est le service des contributions, car il aurait ainsi une meilleure image.
En tout cas, on est conscient que cela doit se mettre en place. En effet, si on veut que ces
installations durent, il faut augmenter leur fréquentation et la part de transfert modal. On est
à 18 % de parts pour les transports en commun de manière globale et pas seulement pour.

Olivier RAZEMON
: Tous déplacements confondus dans le Valais, 18 % des gens se
transportent autrement qu'en voiture.

Gilles DÉLÈZE
: Oui. 18 % des transports par an se font en transport public. On espère
arriver à 30 %.

Olivier RAZEMON
: Mais il faut faire de la publicité pour cela.

Gilles DÉLÈZE
: Oui.

Olivier RAZEMON
: Monsieur Bosio, vous êtes responsable de la société Leitner qui est à
Bolzano, dans le Haut-Adige, dans le Sud Tyrol, en Italie.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » C'est une entreprise bien connue, spécialisée dans le transport par câble. Vous allez nous
présenter votre nouveau-né, c'est-à-dire le téléphérique qui relie Bolzano à Renon.

Dominic BOSIO
: À cette conférence, je représente peut-être le côté technique pour montrer
une solution que peut apporter la technologie à votre problème.
Nous sommes un des quelques constructeurs de remontées mécaniques dans le monde.

Olivier RAZEMON
: Vous allez nous présenter un téléphérique à la fois touristique et urbain
qui remplace celui qui existait déjà depuis longtemps et qui se trouve au-dessus de Bolzano.

Dominic BOSIO
: Cinq ou six remontées mécaniques desservent les faubourgs supérieurs
de la ville de Bolzano. Or, la Province qui gère tous les transports urbains, que ce soit le
train, le bus ou ce genre de déplacement, a lancé un appel d'offres pour rénover et améliorer
les performances d'un des appareils qui était assez vieux, et elle nous a demandé
d'augmenter les capacités, le confort des passagers et d'intégrer certains besoins actuels de
transport urbain.
Nous avons donc réalisé ce téléphérique qui fait 4,5 km et demi de distance en ligne droite. Il
permet d'accéder à Soprabolzano, le petit village qu'il dessert, en 14 minutes (par la route, il
faut 40 minutes en roulant vite pour parcourir les 18 km de route).
La capacité actuelle de 550 personnes par heure est extensible à 800, soit 10 bus de 30 à
40 personnes par heure, soit un bus toutes les 5 à 6 minutes, ce qui n'est pas mal.
Les cabines contiennent 35 places, dont 28 assises. Vous pouvez voir que les gens y sont
très confortablement assis.
On a réussi à apporter une solution technique à la liaison de cette zone qui est très éloignée,
mais qui est très demandée par la population de Bolzano, d'autant qu'elle permet également
de desservir la petite station de ski de Corno del Renon qui est la station de ski de Bolzano.
Les 120 000 habitants de Bolzano accèdent donc directement depuis le centre de la ville à
cette station de ski dont le domaine skiable est très agréable pour les familles italiennes qui y
viennent.
Voilà une des solutions.

Olivier RAZEMON
: Est-ce qu'un téléphérique s'adapte ? Y a-t-il des choses nouvelles en
matière de téléphérique aujourd'hui ?

Dominic BOSIO
: Oui. Monsieur Roy en a bien parlé.
Comme pour le tramway, nous n'avons pas changé de technologie depuis une centaine
d'années, mais le confort et la sécurité du passager, la disponibilité des équipements, le
temps de trajet, se sont beaucoup améliorés. Les constructeurs sont donc toujours surpris
du peu d'entrain qu'ont les élus à adopter cette solution technique.
Comme l'a dit un des constructeurs d'un autre moyen de transport, on n'est peut-être pas
assez cher, parce que nos équipements sont simples et peu chers, mais on a des moyens.

Olivier RAZEMON
: Au-delà de la publicité, qu'est-ce qui a changé récemment ? Une
personne en fauteuil roulant peut-elle maintenant prendre une télécabine ?

Dominic BOSIO
: Aujourd'hui, tout le monde peut prendre une télécabine. Il est plus simple
de monter dans une télécabine que d'utiliser un escalator.
Par exemple, cet appareil a des systèmes de détection de fumée, de vidéosurveillance, de
radio-duplex entre la cabine et les opérateurs. Bien sûr, on peut équiper cette cabine de
radio ou de télévision. On peut aussi y mettre des chaises chauffantes (on passe presque
dans le luxe). Tout cela existe avec cette technique.
Voilà ce qui a beaucoup changé dans le domaine.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » L'autre chose qui a beaucoup changé concerne la disponibilité des appareils.
Dans les stations de ski, on effectue beaucoup de maintenance sur ces appareils du fait
qu'ils sont très sollicités, mais on peut aussi effectuer cette maintenance pour les systèmes
de transport urbain malgré le faible temps d'arrêt de ces appareils.
Cet appareil fonctionne de 6 heures 30 du matin, donc il intègre la problématique de
transport urbain, à 23 heures 45, avec une baisse de fréquence aux alentours de 21 heures.

Olivier RAZEMON
: Pour comparer avec l'exemple du Valais dont on vient de parler, il y a
une volonté de la Provincia di Bolzano de faire cela, parce que cela coûte évidemment de
l'argent.

Dominic BOSIO
: C'est intéressant, parce que cette Province gère tous les systèmes de
transport (je ne connais pas exactement la part, mais cela concerne l'infrastructure « route »
et l'investissement dans ce genre d'équipement). On a donc un interlocuteur unique capable
de faire la part des choses entre le coût réel d'un système de transport par bus et de son
réseau routier associé et le coût de cet investissement, de son opération et de sa
maintenance.

Olivier RAZEMON
: Qu'est-ce qui fait peur en matière de téléphérique ? Des gens n'aiment
pas le téléphérique.
Je ne devrais pas vous poser la question, parce que vous allez me dire que tout marche très
bien, mais pourquoi ont-ils peur ? Est-ce la peur d'être vu ? Est-ce le vertige ?

Dominic BOSIO
: Quelqu'un l'a mentionné. Le plus gros frein est l'impact visuel, c'est-à-dire
d'avoir une ligne de téléphérique dans l'espace urbain. Si vous avez acheté votre maison,
vous n'acceptez pas que se monte ce réseau de transport devant vos fenêtres, au-dessus
de chez vous ou de votre jardin.
J'aimerais citer un exemple sur lequel j'ai travaillé concernant le transport de matériaux.
La cimenterie de Heidelberg en Allemagne était installée en dehors de la ville lorsque
Heidelberg était encore une petite cimenterie. La ville a grandi, mais le moyen de transport
du ciment n'a pas changé puisqu'un téléphérique sert toujours à transporter le ciment de la
carrière à la cimenterie.
Depuis, un des plus chics lotissements de Heidelberg dotés des plus belles maisons s'est
implanté autour, dessous et à côté des pylônes sans que personne ne remette en cause ce
téléphérique à matériaux qui fonctionne depuis quatre-vingts ans. Cela n'a pas du tout
empêché les propriétaires de construire leur maison aux alentours.
Maintenant, si vous demandez à une association de riverains d'accepter qu'une ligne de
téléphérique survole leurs pavillons, vous aurez d'énormes problèmes, sauf peut-être en
Amérique du Sud (quelqu'un a cité Medellín) ou en Algérie.
Je pense que les élus doivent aller un peu plus loin dans le service que cela apporte et les
faibles contraintes que cela représente.

Olivier RAZEMON
: Avez-vous constaté, pour celui-ci, un report modal ? Savez-vous si les
gens prennent moins leur voiture et s'ils utilisent davantage ce transport ?

Dominic BOSIO
: Oui, réellement et la rénovation a permis d'augmenter le nombre
d'utilisateurs, parce que le confort est plus important. Il y avait deux cabines de
50 personnes avec deux places assises. Maintenant, il y a 28 places assises. Les gens le
prennent, car il est rarement bondé, mais on a enregistré un million de passagers en moins
d'un an de fonctionnement, ce qui représente 3 000 à 4 000 personnes par jour.
Il y a effectivement un vrai report modal, une vraie utilisation de cet appareil.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Olivier RAZEMON : Pensez-vous que cela puisse s'adapter à d'autres environnements ? On
a parlé de ce qui est plat. Pensez-vous qu'en France, cela puisse s'adapter aux
environnements urbains qu'ils soient ou pas en montagne ?

Dominic BOSIO
: J'espère que oui.
Je m'occupe de l'export, donc je travaille avec le Valais suisse et tous les pays du monde. Je
constate que ces systèmes peuvent être mis en place lorsqu'il existe déjà une culture du
transport par câble.
Il y a une vraie raison à ce que la Colombie ait investi dans ce domaine puisqu'il y a
cinquante ans, on comptait 120 km de systèmes par câble en fonctionnement.
À Rio, tout le monde accède au Pain de Sucre par le téléphérique. La ligne à Vermelha, une
ligne de télécabine de cinq stations, s'inscrit dans une culture du transport par câble.
Je vous explique d'abord l'histoire.
Medellín a une très mauvaise image, mais elle a beaucoup investi dans son infrastructure de
transport, ce qui a véritablement fait tâche d'huile en Amérique du Sud, car c'est devenu un
nouveau modèle de développement des transports urbains. En plus, ils alternent le réseau
routier en fonction des horaires : le matin, toutes les rues passent en sens unique vers la
ville et inversement le soir. Cela demande une grosse organisation, mais cela fonctionne.
Beaucoup de villes ont copié ce qu'a fait Medellín. En Colombie, on a réalisé une télécabine
à Manizales. Il y a d'autres projets à Cali, à Bogota.
Rio s'est inspiré de ce modèle et l'une des favelas les plus compliquées de Rio va, pour une
fois, être équipée d'un système d'infrastructure de transport urbain.

Olivier RAZEMON
: En l'occurrence, comme à Medellín, cela a permis de désenclaver le
bidonville. En plus, les gens peuvent descendre directement en ville, donc travailler en ville.
Du coup, ils sont moins pauvres.

Dominic BOSIO
: Comme c'était un bidonville, cela a été plus simple.

Olivier RAZEMON
: Vous voulez dire que c'est plus simple que lorsque c'est un quartier
chic ?

Dominic BOSIO
: Exactement, parce que le terrain n'appartenait à personne. Si vous
décidez de mettre un pylône à tel endroit, personne ne vient vous dire quelque chose, bien
qu'ils aient fait assez bien les choses en achetant le terrain. Du coup, les terrains ont pris
énormément de valeur après cette installation.
Dans la ville de Manizales où il y a moins de problèmes d'invasion territoriale, l'objectif était
de relier le terminal de bus qui a été rénové au centre-ville. Cela n'aurait pas été possible
avec un autre moyen de transport que le transport par câble.

Olivier RAZEMON
: Combien de temps peut-on rester dans une cabine ? Peut-on imaginer
une utilisation de 25 à 30 minutes comme cela se fait avec le tramway ?

Dominic BOSIO
: J'ai été contacté pour un projet pour aller de Téhéran à la Mer Caspienne,
ce qui représente 100 km en passant par-dessus les montagnes. J'ai eu beaucoup de mal à
expliquer qu'on ne pouvait pas le faire. Les gens qui avaient réfléchi au problème me
disaient : « S'il y a 5 m par seconde, on peut faire cela en quatre heures et demie ou cinq
heures alors qu'il faut près de sept heures en voiture », ce qui semblait rentable.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Non. Vous ne pouvez pas rester dans une cabine fermée comme une télécabine plus de
quelques minutes, mais ces quelques minutes suffisent pour franchir 1 000 m de dénivelé,
ou pour monter sur la Chartreuse ou le Vercors. En voiture, il vous faut 45 minutes lorsque
les conditions de circulation sont bonnes.

Olivier RAZEMON
: Vous avez peut-être un client ici. On ne sait jamais.
Y a-t-il des questions ? Monsieur SIMIAND.

Jean-Charles SIMIAND, co-président du SAM
: Je représente l'Organisation internationale
du Transport par Câble dont j'ai été le premier vice-président.
Le neuvième Congrès mondial de l'Organisation internationale du Transport par câble - le
dernier a eu lieu en 1987 à Grenoble - se déroulera à Rio. Ce sera un virage extraordinaire,
parce qu'il se tiendra au moment de l'ouverture de la liaison par câble dans la favela (au
passage, le chantier se déroule sans encombre alors que c'est un endroit agité, car il y a un
pacte entre cette population, dont des mafias, et l'aménagement).
Ce congrès va être fortement orienté sur le développement du transport par câble dans le
monde urbain. Or, quand on connaît l'OITAF dont je suis une des figures, on pense plutôt
aux stations de sports d'hiver à tort.
Les grandes villes du monde vont être associées à ce colloque pour favoriser le
développement des transports par câble.
Je voulais le citer. On en parle aujourd'hui dans Le Dauphiné. Vous allez avoir encore
d'autres informations à ce sujet puisque le SAM est la première étape de présentation de ce
grand rendez-vous mondial.

Olivier RAZEMON
: Merci. Finalement, les montagnards inventent des systèmes qui sont
utilisés ailleurs.

Jean-Charles SIMIAND
: Bien sûr. C'est une image très française, parce que, dans d'autres
pays - on l'a vu - il y a eu des précédents. Le transport par câble est plus développé pour
autre chose que pour l'exploitation de station de sports d'hiver dans les autres pays.
En France, on a dans l'esprit que les transports par câble servent uniquement dans les
stations, mais c'est peut-être dû au succès de nos stations de sports d'hiver.
Je termine par une anecdote.
Quand j'étais conseiller économique et social, Jean-Jack QUEYRANNE nous avait demandé
de faire une étude d'économie d'énergie dans les transports. On a auditionné les plus grands
techniciens de ces questions. Pas un n'a évoqué le transport par câble. Ceux qui me
connaissent savent que j'ai parfois mauvais caractère, j'ai donc réagi en disant que c'était
inadmissible et j'ai demandé que Pierre JAUSSAUD vienne plaider. Résultat : c'est le
premier rapport où l'on évoque le transport par câble. Bernard Soulage s'en est saisi et il
vous l'a montré tout à l'heure.

Olivier RAZEMON
: Merci.
Une autre question avant la conclusion.

Jean-Pierre MIRIEL, Groupe La Poste
, Délégation régionale Rhône-Alpes : Vous avez
parlé des cars postaux suisses. En 1930, La Poste avait mis en place la poste automobile
rurale qui faisait du transport de personnes, mais cela a ensuite été abandonné. Je voudrais
donc connaître votre appréciation par rapport au rôle de la poste suisse en matière de
transport de personnes.
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Par ailleurs, vous avez évoqué brièvement les véhicules électriques en station. Un
processus coordonné vient d'être lancé pour structurer la demande de véhicules électriques
en France à travers un groupement d'achats qui est aujourd'hui coordonné par l'UGAP, dont
La Poste est un membre très actif, parce que nous souhaiterions disposer de
10 000 véhicules électriques sur les 50 000 à l'horizon 2015. Ce processus intéresse
évidemment les Collectivités locales pour avoir des véhicules électriques qui correspondent
bien à la demande.
Comme vous avez évoqué les véhicules électriques en station, je serai intéressé si vous
avez un retour d'expérience sur la question.

Olivier RAZEMON
: Monsieur Délèze.

Gilles DÉLÈZE
: CarPostal n'est pas La Poste. En Suisse, la poste s'occupe du courrier.
CarPostal s'occupe des cars postaux. C'est un prestataire de service public comme d'autres
entreprises qui possèdent des bus. La seule particularité est que les bus sont jaunes.
La Suisse compte seulement 7 millions d'habitants, soit l'équivalent de la moitié de la
population parisienne et de sa région. CarPostal teste actuellement un bus hybride, mais
cela n'a rien à voir avec le type de véhicule qui circule par exemple à Zermatt.
À Zermatt, chaque hôtel possède depuis près de trente ans un véhicule entièrement
électrique. Cela ne ressemble à rien. Cette cabine à quatre roues permet de circuler à
30 km/heure dans la station. Il y en a suffisamment d'ailleurs pour créer des problèmes de
circulation avec les piétons. Ils ont cependant mis en place deux ou trois bus 100 %
électriques de 30 à 40 places pour faire la navette à l'intérieur de la station.
Cela marche bien, sauf quand vous avez plein de piétons, de chevaux et de montain bikes
au milieu de la rue et que le véhicule électrique de l'hôtel actionne sa sonnette pour vous
demander de vous mettre de côté.

Olivier RAZEMON
: On a effectivement très peu parlé des véhicules électriques. Avez-vous
quelque chose sur ces véhicules ?

Dominic BOSIO
: Non.

Olivier RAZEMON
: Une dernière minute de publicité pour les téléphériques peut-être ?

Dominic BOSIO
: J'ai commencé par une analogie avec le tramway. Je vais finir par cette
analogie.
J'étais grenoblois, donc je sais le changement apporté par le tramway à Grenoble. Un
système de transport par câble peut avoir le même impact en restructurant l'espace urbain
(on l'a vu dans les exemples hors de nos frontières), d'autant qu'il peut être mis en place en
un temps record sur un espace urbain minimal puisqu'on a seulement besoin de 4 m² par
pylône et environ 200 m² par station.
En plus, un projet de transport urbain se réalise sans contraintes pour les habitants et pour
l'activité urbaine, en moins d'un an si c'est bien organisé et en un an et demi si cela est
complexe comme dans une ville, mais jamais plus.
Je pense que c'est un argument important vis-à-vis des élus et des populations lorsqu'il
s'agit de l'installation d'un nouveau système de transport.

Olivier RAZEMON
: Merci beaucoup.
Nous allons passer la parole à Monsieur Nayrou puis à Monsieur Destot.

Henri NAYROU
: Je voudrais remercier tous les intervenants, d'abord Monsieur Olivier
RAZEMON, notre animateur professionnel journaliste, remercier successivement Monsieur
Jean-Henri MIR, Monsieur Éric FOURNIER, Monsieur Thierry LOUIS, Monsieur Pierre-Louis
ROY, Monsieur Claude BLANCHET, Monsieur Marc BAÏETTO, Madame Corine BREYTON,
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Madame Sophie CZEKAJEWSKI, Monsieur Bernard SOULAGE et Madame Claude COMET qui sont partis en tramway à Lyon, Monsieur Dominic BOSIO, Monsieur Gilles DELÈZE qui nous ont fort intéressés, Monsieur SAVORNIN qui est venu à vélo, Monsieur Jean-Charles SIMIAND, le co-président et personne référente en la matière. Je voudrais vous remercier très sincèrement pour tout ce que vous avez amené et toutes les richesses que vous avez apportées à notre débat. Nous savons, comme nous sommes des gens de la montagne attachés aux réalités, qu'il en restera toujours quelque chose. Je vais maintenant passer la parole à Monsieur Michel DESTOT, Député-Maire de Grenoble qui nous fait l'honneur de clôturer ce colloque. Il va tirer la quintessence et les leçons à n'en pas douter de tout ce qui a été dit au cours de colloque. Les responsabilités nationales multifonctions font de Michel DESTOT un homme d'expérience. En matière de mobilité, il sait donc de quoi il parle. Monsieur Michel DESTOT, à vous la parole.
Michel DESTOT, député-maire de Grenoble
: Merci beaucoup, cher Président, cher Henri,
chers collègues. C'est vraiment pour moi un grand plaisir de pouvoir intervenir à l'issue de
cette rencontre que j'ai trouvée particulièrement intéressante (à aucun moment d'ailleurs,
votre attention n'a faibli).
Je ne vais évidemment pas répéter ce qui a été dit, car ce serait fou, et encore moins
conclure, parce qu'il faudrait être très prétentieux pour le faire sur ce qui est une logique de
développement de nos territoires qui bougent énormément - et vous me permettrez de
commencer par cela - pas simplement en Europe et en France, mais dans le monde entier,
ce qui génère, pour les élus, des prises de responsabilité absolument énormes.
Parlons des tendances les plus lourdes qui se posent aujourd'hui dans le monde, notamment
en termes de mobilité.
La première est liée à l'urbanisation. 30 % de l'humanité vivaient en ville en 1950 dans le
monde, un peu plus 50 % aujourd'hui en ville - c'est la plus grande révolution en termes de
civilisation dans l'Histoire de l'Humanité - et ils seront vraisemblablement plus de 70 % en
2050.
Que l'on aime ou pas, quand on est un responsable politique, économique, social ou un élu,
on est obligatoirement confronté à cela.
Nous voyons aujourd'hui les dégâts que causent les mégapoles ou les mégalopoles dans le
monde, donc nous essayons d'avoir des politiques d'aménagement du territoire compatibles
avec une qualité de vie permettant des déplacements mais aussi présentant des offres
éducatives, culturelles, sportives, de vie tout simplement, à nos concitoyens.
Deuxièmement, en une génération, on est passé d'un déplacement moyen par habitant dans
les pays européens et en France en particulier de 5 km par jour à 40 km par jour. C'est une
réalité à laquelle nous sommes confrontés et à laquelle nous devons trouver des réponses.
Il y a évidemment le père de famille qui amène sa fille à la crèche le matin et la femme qui se
rend de Grenoble à Palo Alto pour des raisons de business, mais il nous faut répondre (je
vois que la sénatrice sourit, parce qu'on présente généralement cela dans l'autre sens, mais
j'aurais eu un regard critique de mes collègues femmes dans la salle si je l'avais dit dans
Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » l'autre sens) également à cette question qui est une question véritablement terrible. Notamment en milieu urbain, quand on mélange les deux aspects, faute d'avoir trouvé une véritable cohérence entre les politiques de déplacement et les politiques d'aménagement du territoire, on a fait n'importe quoi. Cet étalement urbain qui n'a pas été maîtrisé pose actuellement d'énormes problèmes en termes économiques, en termes sociaux, en termes environnementaux. Chaque élu connaît cela par cœur. Il est à noter que, dans les pays les plus développés comme par exemple la France, la carte de la pauvreté a beaucoup évolué en une génération. Il y a vingt-cinq ans, le « pauvre » de la statistique - il est toujours horrible de parler en ces termes - était un habitant du monde rural et plutôt une personne âgée. Aujourd'hui, c'est plutôt un jeune, vivant en milieu urbain, issu d'une famille immigrée et généralement monoparentale, et ce en une génération. Si nous ne prenons pas en compte cet aspect des choses, je crois que nous répondrons très mal à la question posée aujourd'hui par l'ANEM. Je veux dire, en des termes extrêmement forts, que ce n'est pas simplement une solidarité - pour être un peu provocateur - avec l'espace de montagne, mais que c'est aussi une solidarité avec l'espace urbain. Le problème que nous avons aujourd'hui est justement de trouver l'équilibre entre les différents espaces (l'espace urbain, l'espace rural, l'espace de montagne), équilibre dans lequel d'ailleurs ceux qui vivent en montagne ont souvent beaucoup à apprendre, y compris à ceux qui vivent dans les territoires les plus urbanisés. De ce point de vue, nous avons à faciliter les déplacements pas simplement pour se rendre, le mieux possible et de la façon la plus vertueuse par rapport au dernier kilomètre comme on l'a dit, dans les stations de sports d'hiver, mais pour que tous ceux qui vivent dans ces stations ou de façon plus isolée en montagne, puissent bénéficier de mobilité pour se rendre en fond de vallée dans les villes, parce que la mobilité est, dans les deux sens, une source d'éducation, une source d'emploi, une capacité à avoir un épanouissement de vie. Faute de prendre en compte cette mobilité, nous ne répondrons en tant que responsables et en tant qu'élus, qu'à une partie - et peut-être la partie la moins importante - de la question en termes de population et de démographie qui nous est posée aujourd'hui. Je veux dire avec grande force que les contraintes que nous rencontrons en montagne nous ont obligés à être plus vertueux et plus efficaces que dans beaucoup d'autres espaces. Je vais évidemment citer la ville de Grenoble, puisque c'est l'exemple que je connais le mieux. On a toujours décrit Grenoble comme une ville enclavée, d'accès difficile, puisque nous avons trois portes d'entrée, les trois branches du Y puisqu'elle est bâtie au confluent de l'Isère et du Drac, pour atteindre l'aire grenobloise (il y a trente portes pour entrer dans Lyon et cinquante pour entrer dans Paris, donc vous voyez la difficulté). Le seul avantage est ce verrou dans la partie nord, sur la Cluse de Voreppe, qui a permis d'arrêter les armées allemande et italienne en 1940 lors de la bataille des Alpes - on peut rappeler que c'est le seul moment où les Français ont réussi à contrer l'invasion des Allemands et des Italiens - mais, pour tout le reste, cela a toujours été une très forte contrainte. Comme en judo, on a fait de cette contrainte une logique plus vertueuse d'aménagement du territoire. Regardez les problèmes de transport urbain. Avec la Ville de Nantes, nous sommes la première agglomération à s'être réconciliée avec le tramway de l'aire moderne et nous sommes fiers aujourd'hui de poursuivre cette dynamique puisqu'à terme de quelques années, il y aura plus de 50 km de tramway sans compter les réseaux bus qui le complètent. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » En matière d'habitat, je me plais toujours à rappeler que nous sommes la troisième ville la plus dense de France après Paris et Boulogne-Billancourt, parce que l'habitat a dû être concentré (le foncier y est donc rare et cher) du fait que l'on bute rapidement sur les montagnes. Cela nous a obligés, pour ces raisons de géographie et de conformité de notre territoire, à être plus efficaces qu'ailleurs. En termes d'environnement, des vents plaquent au sol la pollution, ce qui a été pendant très longtemps un argument assez négatif pour notre Cité de Grenoble. Nous avons fortement renversé la tendance, ce qui a été une contrainte terrible puisque, pour venir en avion à Grenoble, il faut se poser à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, l'aéroport le plus proche, pour des raisons de sécurité par rapport au vent, car il n'a pas été possible de le construire plus près. Cela a été une difficulté considérable d'accès sur Grenoble, mais cela nous a là aussi obligés d'être plus vertueux et de penser à d'autres modes de déplacement. En matière d'énergie, nous avons développé, grâce à une société de distribution de gaz et d'électricité et à une société de chauffage urbain, la capacité d'avoir une plus grande efficacité énergétique. Moins d'industries polluantes, une plus grande maîtrise énergétique, un habitat plus dense, des transports en commun plus développés nous ont permis de renverser la vapeur, et on est évidemment très fier d'avoir été citée comme première ville en matière d'éco-quartier et d'éco-cité par le ministre d'État du Développement durable, en 2009. Je ne le dis pas cela pour faire l'intelligent ou pour faire de la publicité utile sur ma ville, mais pour montrer que notre contrainte due à la géographie a été une véritable chance pour travailler en matière d'innovation et de recherche dans tous ces secteurs d'aménagement du territoire et de déplacement et d'être ainsi, d'une certaine façon, plus vertueux. Je voudrais conclure en abordant deux points. Tout d'abord, un coup de chapeau à l'ANEM. Cette association, qui a maintenant 26 ans, est, à l'image d'Henri NAYROU, un élu, un homme politique, plus que cela, un militant du sport et de la montagne, sensible non seulement aux questions relatives à l'aménagement du territoire, mais aussi aux questions de qualité de vie et de préoccupation que se posent les gens. Avant de s'interroger sur le déplacement ou l'habitat, ils se posent des questions sur l'éducation de leurs enfants, sur leur épanouissement culturel, sur leur capacité à vivre dans des espaces agréables et respectés (en étant respectueux de l'environnement, on est respectueux de soi-même). À l'image d'Henri NAYROU, je trouve que cette association est véritablement un espace d'échanges, de réflexions, de préconisations, particulièrement utiles à notre pays. On y retrouve la modernité, c'est-à-dire la capacité à trouver des solutions qui soient contemporaines et réalistes car on peut être utopique, mais si on ne se confronte pas à la réalité du terrain, on va dans le mur. Les échanges que nous avons entendus au cours de cette rencontre ou ce que nous voyons à l'occasion du Salon de l'Aménagement de la Montagne (SAM) sont une belle leçon d'innovation. En effet, les métiers et les filières industrielles liés à la montagne - on en a beaucoup parlé à travers notamment le câble, mais on pourrait parler du matériel, des infrastructures, liés à la montagne - sont la plupart du temps des emplois non-délocalisables. Dans le débat que nous avons sur le modèle de développement dans nos pays les plus développés, il faudrait mettre mieux cela avant. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Puisqu'on en est à quelques remarques que je ne voudrais pas critiques, mais qui me semblent absolument essentielles en ce qui concerne le plan économique, je voudrais évoquer le problème de la forêt et celui du tourisme. Dans son rapport absolument remarquable, rapport qui a été remis au Président de la République à la suite de la réflexion préalable engagée avant que cela ne soit en discussion au Sénat puis à l'Assemblée, sur la réforme des collectivités territoriales, Christian SAINT-ETIENNE dit que l'on a deux problèmes en France : le tourisme et la forêt (c'est d'ailleurs un véritable scandale qu'on n'ait pas avancé davantage sur ces sujets). En effet, les deux cinquièmes de notre territoire sont occupés par les forêts, mais elles sont mal exploitées. Dans notre éco-quartier qui a été primé numéro un en France, nous avons reconverti la Caserne de Bonne en centre commercial en utilisant beaucoup le bois, bois qui provient de Norvège. La compagnie de chauffage, à laquelle j'ai demandé qu'il n'y ait plus de combustible fossile (cela résulte de la combustion des ordures ménagères), utilise du bois. Autre scandale : la grande difficulté que nous avons à avoir du bois de combustion. On est en effet absolument incapable dans notre pays de mettre en place une filière dans ce domaine et ce en raison du démembrement des Collectivités à commencer par la Collectivité nationale. En ce qui concerne le tourisme, alors que la France est la première destination touristique, on dépense en moyenne 800 euros par touriste contre 1 200 euros en Italie et 1 200 en Espagne. On ne peut pas dire que notre pays est plus intéressant sur le plan touristique que ces deux pays, mais nous ne sommes toujours pas capables d'accueillir comme il le faut ceux qui viennent de l'extérieur, tant vis-à-vis de la pratique de langues étrangères que de la qualité de l'accueil. On peut parler du déséquilibre de la balance des paiements ou de la relance de la croissance économique, mais on a encore d'énormes marges de progression pour avancer sur ces deux points qui sont centraux et sur les espaces de montagne. On pourrait évidemment parler d'innovations sur le plan de l'environnement. On en a beaucoup parlé à travers les transports et la mobilité, mais on doit aussi en parler en termes sociaux, en termes éducatifs, en termes culturels. Je suis Maire de Grenoble depuis bientôt quinze ans. Nous avons réalisé beaucoup de projets dont nous sommes tous fiers à Grenoble (la Maison de la Culture, le Tram, le stade, le lycée scientifique, la Cité scolaire internationale), mais ce dont je suis peut-être le plus fier concerne l'opération « Jeunes en montagne ». Depuis maintenant plusieurs années, nous emmenons en montagne des jeunes qui se trouvent dans les quartiers les plus populaires, les quartiers dits difficiles de la ville, jeunes qui n'ont souvent pas les moyens financiers ou un environnement familial qui ne porte pas à pratiquer la montagne et Dieu sait si elle est belle et importante dans notre environnement grenoblois. Des centaines de jeunes ont ainsi pu découvrir cette montagne et certains ont décidé d'en faire leur métier comme guides de haute montagne, et d'autres de s'engager dans des filières économiques liées à la montagne. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Sur le plan social, sur le plan culturel, sur le plan éducatif, pour le Maire de la ville de Grenoble que je suis, cela a été quelque chose d'absolument extraordinaire quand, l'une des premières fois, je me suis retrouvé sur le Dôme des Écrins avec un jeune beur de la Villeneuve, complètement effondré, qui m'a dit : « Monsieur le Maire, c'est trop dur ». Je lui ai dit : « On se revoit dans deux jours. On verra ce que tu me diras alors». Deux jours après, il m'a dit que cela avait été le plus beau moment de sa vie. Je peux vous dire que je m'en souviendrais jusqu'au bout de ma propre vie. Je voulais le dire, parce que c'est cela aussi la montagne. Ce n'est pas simplement arriver en câble dans les stations. C'est aussi être capable d'amener des jeunes, qui font, d'une certaine façon, partie de cette carte de la pauvreté dont j'ai parlé tout à l'heure, à se réaliser grâce à la montagne. Je voudrais saluer encore une fois l'ANEM pour ce lieu d'échanges et de lobbying. Bernard Soulage l'a dit tout à l'heure en quelques mots et je veux reprendre cela à mon tour. Nous avons bien entendu des ambitions extrêmement fortes, notamment en matière d'infrastructure, comme cela a été évoqué, vis-à-vis des problèmes de déplacement. On peut avoir toutes les bonnes volontés du monde et toutes les déterminations, si on n'a pas les moyens financiers en regard, on aura beaucoup de difficultés. En France, nous avons un véritable problème. En effet, 75 % des investissements publics civils, donc en dehors du militaire, relèvent des Collectivités territoriales. Plus on va vers le local, donc vers la montagne, plus la responsabilité d'aménagement du territoire est à la charge des Collectivités territoriales. C'est une véritable provocation de ne pas avoir les ressources, donc les moyens financiers, pour mener ces politiques à bien. Nous avons, y compris au sein de l'ANEM, la responsabilité de mener un combat politique le plus noble qui soit qui est de mettre en rapport les objectifs et les moyens que nous voulons mettre en place. Cela ne veut pas dire que tout doit reposer sur l'intervention publique et celle des Collectivités publiques, car il y a un partenariat, notamment avec le privé, mais, comme on l'a dit encore une fois très fortement ce matin, il faut vouloir le faire. Tout ce qui a été fait en termes de valorisation à travers ce colloque de l'ANEM et de ce Salon du SAM est aussi une source de business, de rayonnement au bon sens du terme, parce qu'il y a derrière tout cela le développement économique, l'emploi, première préoccupation de nos citoyens et première des solidarités. Je pense que c'est important. La montagne française et européenne est une référence mondiale. Ce qui a pu être innové - on l'a vu à travers quelques exemples - doit être mieux valorisé dans le monde entier. Pour tous ceux qui ont un peu voyagé, il est évident que nos massifs européens et principalement les Alpes sont un lieu où l'on retrouve les premières réponses en termes d'urbanisation, d'équipements touristiques, d'infrastructures durables, bref, de qualité de vie, qui peuvent être très largement une source de valorisation et une sorte de référence dans le monde entier (ceux qui ont été en Himalaya, dans les Andes, me comprendront). Nous pouvons, sans rougir, commencer à parler d'une capacité d'avoir un véritable développement durable, c'est-à-dire de cette capacité à synthétiser le développement économique, la solidarité sociale et la protection de l'environnement. Il nous faut une meilleure prise en compte de l'Union européenne. Des crédits sont disponibles. Bien souvent, nos Collectivités ne sont pas suffisamment en quête de ces concours de l'Union européenne. Par rapport à cela, l'ANEM peut peut-être être un relais pour être beaucoup plus efficace en tout cas en matière d'informations vis-à-vis de cette capacité à mobiliser des concours européens. Cela me semble extrêmement important. Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010 « Pour une mobilité durable : Le sav oir-faire des élus et des acteurs économiques de la montagne » Je voudrais terminer par un mot plus personnel. On a été très rationnel dans tout ce qui a été évoqué aujourd'hui. Quand on fait de la politique, il est important de se confronter aux réalités économiques et financières, mais on sait, Monsieur le Préfet, mes chers collègues élus, que rien de grand ou de beau ne peut se faire sans véritable passion. L'avantage de la montagne est qu'elle joue, si j'ose dire, comme un aimant. Je le vois à Grenoble où huit Grenoblois sur dix sont venus non seulement pour être chercheurs, ingénieurs, techniciens, enseignants ou autre chose, mais aussi parce qu'ils étaient peu ou prou attirés par la montagne. Le goût d'entreprendre que l'on retrouve dans la bonne ville de Grenoble, pas simplement sur le plan économique, scientifique ou technologique, mais aussi sur le plan social, culturel, sportif, sur le plan des loisirs, est lié à cet aimant puissant qu'est la montagne qui a attiré des personnalités hors du commun, qui ont eu ou qui ont cette passion, ce goût de l'effort, ce goût de la solidarité et qui ont été ou qui sont mus par la contemplation d'un environnement qui est tellement beau qu'il pousse à le respecter et à se respecter soi-même. Je dirai en conclusion : gardons cet espace de rêve qui joue comme un aimant. Je suis un parisien d'origine, donc je suis un immigré à Grenoble comme huit Grenoblois sur dix, venu finir ses études à Grenoble et qui y est resté puisque j'ai aussi été pris par cet aimant extraordinaire. Je peux vous dire que la montagne a joué de façon fantastique. J'ai été attiré par un de mes deux parrains en montagne. Le premier, René DEMAISON, malheureusement décédé il a un an, nous entraînait - j'étais scout en région parisienne - en forêt de Fontainebleau et on lisait ensuite son fameux livre 342 heures dans les Grandes Jorasses. Je ne rêvais que d'une seule chose : faire un jour les Grandes Jorasses et monter en haut de la Walker. Le deuxième s'appelle Robert PARAGOT. Dans les années cinquante, on a beaucoup parlé du premier 8 000, l'Annapurna - cela fait penser à Lionel Terray, le Grenoblois de l'équipe, de l'Everest, mais, en 1952, ce qui a été fait sur la face sud de l'Aconcagua n'a rien à voir en termes de difficultés même si l'ordre de grandeur est très supérieur, avec ce qu'ont fait Robert PARAGOT et son équipe au cours de cette expédition. Tous sont revenus mutilés, sauf Robert PARAGOT. Il a été pour moi un exemple absolument formidable. Je voulais terminer là-dessus pour vous dire que c'est aussi cela qui permet de vivre et qui permet de trouver cet équilibre entre les territoires, qu'ils soient de montagne, ruraux ou urbains, tant en termes économiques, sociaux, environnementaux qu'humains. Merci. (Applaudissements.) Salon de l'aménagement en montagne 2010 - ALEXPO Grenoble, 22 avril 2010

Source: http://www.accessia.fr/sites/www.anem.fr/upload/pdf/Actes_SAM_2010_Textes_060910_20120730102915.pdf

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Conservation of fresh ram spermatozoa at 5°C in the presence of seminal plasma A. Morrier1, F. Castonguay1,2, and J. L. Bailey1,3 Centre de Recherche en Biologie de la Reproduction,1Département des sciences animales, Université Laval, Québec City, Québec, Canada G1K 7P4; 2Dairy and Swine Research and Development

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Journal of the American College of Cardiology Vol. 58, No. 19, 2011 © 2011 by the American College of Cardiology Foundation ISSN 0735-1097/$36.00 Published by Elsevier Inc. Heart Rhythm Disorders Cardiovascular Outcomes in theAFFIRM Trial (Atrial FibrillationFollow-Up Investigation of Rhythm Management) An Assessment of Individual Antiarrhythmic Drug TherapiesCompared With Rate Control With Propensity Score-Matched Analyses